Orchidées... "delachaume", moisson printanière
Où l'on reparle de tondeuse, mais juste un peu comme un bâton témoin... pour la transition.
1- 500 moutons en liberté (surveillée) sur 100 hectares de pelouse calcaire "Natura 2000"
Celles d'aujourd'hui sont nombreuses et animales ; elles sont 500 pour 100 hectares, soit une tondeuse pour 2000 m². Elles bêlent, broutent et digèrent, alors que les autres pétaradent, hachent et recrachent. Après leur passage, le terrain ne sent pas l'essence, mais l'urine, la crotte et le suint. Question consommation et entretien, elles n'ont besoin que d'eau et parfois de soins. Question rapport, on se demande bien s'il se mange encore beaucoup de mouton ici-bas et si l'on tricote toujours des chandails en laine naturelle ?
2- Village de NANTOUX depuis le flanc de la Montagne de la Chaume (parterre fleuri, buissonnant, herbu et pierreux - déjà 4 espèces d'orchidées différentes)
Mais les 500 ovins sont ici sur la Montagne de la Chaume entre BOUZE-LES-BEAUNE et NANTOUX sur une zone protégée "Natura 2000" de pelouse calcaire, pour "limiter l'expansion des buissons, la fermeture du milieu, pour favoriser le maintien de la flore et de la faune caractéristiques des pelouses ouvertes".
Et moi, je suis ici parce que Gilbert m'avait dit au printemps 2015 "vas-y tu verras...", et que je veux revoir au printemps 2016. Mieux encore que ma tondeuse unique qui protège(rait) trois orchidées de la même espèce Anacamptis morio, les 500 "mouton-deuses" de la Montagne de la Chaume épargnent probablement des milliers de pieds d'orchidées, d'une bonne dizaine d'espèces différentes. Au printemps 2015, j'avais reconnu 2 orchis et fait la connaissance émerveillée de mon premier ophrys ; au printemps 2016 je retrouve 2 orchidées sur les trois de l'année passée, auxquelles s'ajoutent 3 espèces connues et un nouveau petit ophrys que je découvre ému et euphorique.
En résumé, dimanche 15 mai 2016, en deux heures de balade marchant debout, marchant agenouillé et rampant sur 2 ou 3 kilomètres seulement, j'ai pu admirer et photographier 6 variétés d'orchidées sauvages différentes. Les voici livrées selon le plan habituel : plante, inflorescence, fleur.
Orchis purpurea, ou Orchis pourpre : Fière et charnue, dressée isolée en plein soleil au milieu de la prairie, je la trouverai également en lisière de bosquet. La dame doit être "facile à vivre", adaptable à des conditions variées...,
3- Orchis pourpre - la plante
... à moins que ce ne soit ce printemps humide et froid qui lui ait autorisé une telle exposition.
4- Orchis pourpre - l'inflorescence (si le casque reste pourpre, l'intensité du rose du labelle varie d'une plante à l'autre, allant pratiquement jusqu'au blanc moucheté)
Je l'ai rencontrée également en lisière de bosquet, regroupée en famille un peu étrange de trois de individus. Colorés si différemment, le doute était permis, mais si proches les uns des autres, ils ne pouvaient qu'être de la même espèce.
5- Orchis pourpre - la fleur presque blanche formant des étages de couronnes de ribambelles de charmants petits personnages
Le casque des fleurs (formé de deux pétales latéraux et d'un sépale au sommet) est toujours pourpre, mais la couleur du labelle (troisième pétale de forme toujours spectaculairement différente) varie du pourpre jusqu'au blanc, tout en conservant toujours un "mouchetage en houpettes" rose-pourpre.
6- Orchis pourpre - la fleur au "mouchetage en houpettes" plus dense, plus rose-rouge
La disposition des fleurs sur l'épi est mignonne. Penchez-vous et tendez l'oreille, vous entendez... ?
"Passez pompons les carillons, les portes sont ouvertes,
passez pompons les carillons, les portes sont fermées,
à clé...",
C'est bien la comptine enfantine que chantent les ribambelles d'enfants joyeux riant aux éclats disposés en rondes superposées autour de la tige.
La découverte de celle-ci que l'on connaît déjà ici est toujours un peu comme celle d'un petit trésor. Ophrys fuciflora, ou Ophrys bourdon (ou frelon selon les guides) est bien plus discrète. Jamais nous ne la trouverons pérorant au milieu de la prairie, tout juste s'aventurant de quelques dizaines de centimètres au-delà du couvert ombragé et protecteur d'un bosquet.
7- Ophrys bourdon - la plante
La mignonnette, de taille assez modeste et à l'inflorescence parcimonieuse, préfère dissimuler ses charmes et se tenir à l'abri des piétineurs.
8- Ophrys bourdon - l'inflorescence "parcimonieuse, ici deux fleurs, mais jamais plus de six - remarquez au passage la face arrière du labelle de la fleur du bas, confirmant que l'impression de volume de celui-ci n'est qu'une "supercherie"
On lui trouvera bien des points communs avec ses cousines Ophrys scolopax (bécasse), ou vetula risso (fausse bécasse), notamment les trois sépales roses... mais parfois blancs !
9- Ophrys bourdon - la fleur
On lui trouvera également bien des points communs avec la plupart des Ophrys (araignée, petite araignée, bombyx, mouche, jaune, brun, marbré, de la passion, très élevé...) : des fleurs isolées et étagées, les trois sépales bien en arrière du labelle, les deux pétales courts et plus effilés, le gynostème à tête et bec d'oiseau...
10- Ophrys bourdon - la fleur
On lui trouvera cet air coquin ou énigmatique, un peu joker, farfadet ou bien poupon langé, parfois presque diabolique, sarcastique et inquiétant chez certains sujets.
L'épanouissement des fleurs d'orchidées sauvages obéit, sinon à un calendrier, au moins à un ordre d'apparition précis. Ainsi, alors que les Orchis de couleur violet-rose sont tout juste en boutons, les Ophrys petite araignée vert pâle et brunes sont déjà bien là. C'était le cas à BOUILLAND où nous les avons vues le 8 avril (et ici le 9). Un mois plus tard, le 8 mai, il ne restait plus aucune trace de ces Ophrys petite araignée si discrètes. A leur place, en plus grand nombre de sujets et d'espèces, fleurissaient les plus voyantes et populaires Orchis bouffon, mâles ou de mai. "Tout BOUILLAND" en est pointillé de violet, et il en va toujours de même, ou presque, une semaine plus tard le 15 mai sur la Montagne de la Chaume.
Orchis militaris ou Orchis militaire est très fréquente et les confusions pourraient être possibles...
11- Orchis militaire - la plante
... d'autant plus possibles que l'hybridation peut venir brasser les caractéristiques des espèces pourpre, militaire, et singe.
12- Orchis militaire - l'inflorescence
Pas de confusion ici, il s'agit bien d'une troupe de militaires tous casqués, la plupart hilares, peut-être même une troupe de "libérables" très émêchés, peinant à se relever !
13- Orchis militaire - la fleur
... et pas d'une ribambelle de jeunes écoliers dansant "passez pompons les carillons..."
"Tout BOUILLAND" en est pointillé de violet, et il en va toujours de même, ou presque une semaine plus tard le 15 mai sur la Montagne de la Chaume. Pas tout à fait puisque, chevauchant la floraison des orchidées violettes, les jaunes apparaissent à leur tour.
Orchis anthropophora, ou Orchis homme pendu pullule sur la Montagne de la Chaume ce 15 mai, quelque soit le couvert végétal, quelque soit l'exposition.
14- Orchis homme pendu - la plante "colonisatrice"
Sa floraison récente permet d'admirer des sujets encore en boutons ainsi que d'autres au stade le plus épanoui de leur cycle annuel. D'une manière générale il est intéressant de prêter aussi attention à la plante au-delà de cette courte période florissante : comment était-elle en hiver, à quoi ressemble-t-elle au fur et à mesure de sa croissance, quel aspect aura-t-elle en graines, en fin de cycle...
15- Orchis homme pendu - l'inflorescence effilée et élégante
Ces inflorescences permettent d'observer les différents stades de développement du bouton floral d'où l'on voit sortir "l'homme" s'allongeant petit à petit...,
16- Orchis homme pendu - la fleur (au joli minois attendrissant)
... jusqu'à prendre une allure dégingandée et un visage attristé, en même temps que ses membres passent du rouge-orangé au jaune.
Voici la nouvelle petite pépite, plus rare et discrète par sa taille et sa couleur, ici en limite basse de son implantation à peine à 300 mètres d'altitude : Ophrys insectifera, ou Ophrys mouche.
17- Ophrys mouche - la plante
Nous lui retrouvons les caractéristiques communes aux ophrys évoquées ci-dessus...
18- Ophrys mouche - l'inflorescence
... et en plus, celle remarquable d'être suffisamment tolérante au froid pour atteindre les limites du Cercle polaire.
19- Ophrys mouche - la fleur
Pour se distinguer de ses cousines ophrys, ses trois pétales, les deux plus fins dressés comme des antennes à la tête au dessus du troisième le labelle, sont d'une même teinte brune. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce ne sont pas les mouches à qui elle ressemble qu'elle cherche à séduire, mais les mâles d'une espèce particulière de guêpe.
Pour terminer cette riche promenade, alors que bon nombre sont encore à l'état de gras bourgeons floraux, voici un exemplaire tout frais fleuri de la célèbre Himantoglossum hircinum, ou Orchis à l'odeur de bouc ou encore Satyre puant .
20- Orchis à l'odeur de bouc - la plante
Le port de la plante est fier et son épi floral à l'allure échevelée aux multiples fleurs est impressionnant...,
21- Orchis à l'odeur de bouc - l'inflorescence
... plus encore quand on se penche pour admirer ses longs labelles aux trois lobes ciselés, d'abord spiralés puis vrillés. Un petit côté "langue de belle-mère" n'est-ce pas !?
22- Orchis à l'odeur de bouc - la fleur
La photo rapprochée révèlera plus la finesse du décor du casque, de la base du labelle et des organes reproducteurs. Cette Himantoglossum n'a décidément rien à envier à ses cousines cultivées et vendues pour égayer un peu tristement nos intérieurs. Quant à l'odeur de bouc, je dois avouer ne pas l'avoir nettement discernée, moi qui ai cependant le nez assez fin. Peut-être se fait-elle plus forte avec l'âge de la plante ? A moins que..., mais bien sûr, ce ne peut être que ça !!!
Il y a peu, devant mes difficultés à sentir l'odeur de la "coumarine", molécule odorante très largement répandue dans le règne végétal, Etienne, animateur de sorties nature pour une association locale, m'avait reniflé discrètement mais soupçonneusement avant de me suggérer de conclure définitivement "si tu veux sentir les odeurs de la nature, alors ne porte pas d'eau de toilette" !
De retour à la maison, j'ai nettement senti sur moi l'odeur de tondeuse. Non..., pas le "super sans plomb 95", mais l'urine, la crotte et le suint de 500 ovins dans lesquels je venais de ramper deux heures durant. Voici donc comment passer de Couillon commun, à Bouffon réjoui, pour finir Satyre puant (provisoirement) !
© F6
20 mai 2016
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