Face contre terre le 25 août 1914... (4/7)
Monument du 95e à MATTEXEY
La journée du 25 août 1914, gravée dans la pierre, sera marquante dans deux histoires : celle du régiment qui porte MATTEXEY au nombre de ses 18 grands combats de 14-18, et celle de Ferdinand. Afin d'éviter toute interprétation hasardeuse, je m'en tiendrai essentiellement aux témoignages écrits d'acteurs présents ce jour-là. Pour soulever tout de même un peu ce tapis historique, je sélectionnerai des passages significatifs, rendant compte d'un même moment de la journée vu au travers de 3 (+1) textes à ma disposition :
- le J.M.O. (Journal des Marches et Opérations) - extraits, carnet de bord du régiment rédigé quotidiennement, succinct et manuscrit,
- "La campagne du 95ème Régiment d'Infanterie - guerre 1914-1918" - extraits par Charles SAINTMONT (Avoué - Lieutenant au 95ème), Paul DELARUE (Instituteur - Chef de bataillon au 95ème), Albert VEYRENC (Instituteur - Lieutenant au 95ème) édité à BOURGES en 1920, et qui livre un témoignage complet, détaillé et précis,
- "Les Boyaux du 95ème" - extraits sorte de journal du régiment destiné probablement à distraire, relater héroïquement..., "communiquer" dirait-on aujourd'hui. 8 ou 12 pages dans 10 ou 11 numéros non datés, mais parus en cours de guerre avec retard ou compilation).
- Quelques notes de Ferdinand, "bilan" de cette journée.
J'ajouterai de ma plume que j'espère fidèle, quelques-unes des informations qu'Eric nous aura apporté si gentiment au cours d'une "visite guidée" du champ de bataille le 27 juillet 2014. Sachez également que c'est Michel, un autre historien amateur chevronné, qui m'a offert depuis le Canada de pouvoir découvrir et consulter "La Campagne du 95ème..." que je me suis ensuite procuré en librairie spécialisée.
Place au "film" du 25 août 1914...
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Après s'être portées au delà de la frontière dans les villes "allemandes" depuis 1870 de MORHANGE et SARREBOURG, les 2 armées françaises, la première "de DUBAIL" et la deuxième "de CASTELNAU", sont repoussées par la 6ème armée allemande du KRONPRINZ DE BAVIERE, menacées de débordement et de percée de la TROUEE de CHARMES.
Arrivé au plus bas de sa "retraite" le 24 août, le 95ème "épuisé et décimé" prêtera cependant main forte au sursaut des armées françaises. Il sera engagé parmi elles autour de la TROUEE DE CHARMES dans "La bataille de LORRAINE". Plus particulièrement dans "La bataille de la MORTAGNE", plus précisément encore en lisière de la "Victoire de ROZELIEURES". C'est au "combat de MATTEXEY" que Ferdinand et son régiment souffriront ce 25 août. "Se refaisant" depuis quelques heures seulement à ORTONCOURT, le 95ème recevait l'ordre de se porter sur CLEZENTAINE le 24 au soir.
Il perdait, mortellement blessé en chemin vers le village, son chef de corps le colonel TOURRET, remplacé plus tard par le Lieutenant-colonel de CHAUNAC de LANZAC, puis ...
"Les Boyaux..."
"La campagne..."
Le colonel REIBELL commande la 31ème brigade. On le croise ici au tout petit matin, coordonnant et lançant l'offensive du 95ème. On le retrouvera vers midi, après les heures sombres du matin, à l'initiative (?) et orchestrant de dernières heures encore plus sombres.
"J.M.O. ..."
De ce bois de CLEZENTAINE sort le 95e au petit matin du 25 août
Sur la route conduisant de CLEZENTAINE à MATTEXEY, c'est dès la sortie du bois que les bataillons du 95ème sont "cueillis" par l'artillerie lourde allemande. Encore aujourd'hui MATTEXEY est lové dans ses vergers après 1 200 à 1500 m de découvert ; le paysage agricole et forestier actuel est similaire à celui de 1914.
MATTEXEY entouré de ses "remparts" de vergers... droit devant... (champ où sont tombés tant de "poilus", parmi lesquels Fernand)
Cliché "emprunté à internet", légendé "attaque à la française, baïonnette au fusil"
"La campagne..."
A ce stade de l'attaque, il est nécessaire de se souvenir que les appuis du 85ème RI constituant avec le 95ème la 31ème brigade sous le commandement du colonel REIBELL, ainsi que celui d'un régiment d'artillerie, font déjà cruellement défaut.
Eric souligne que le 95ème est là, seul, à découvert, essuyant sur sa droite dès la sortie du bois des tirs d'artillerie lourde allemande en position dominante 5 km à l'est au dessus du village de MAGNIERES, ainsi que des salves de mitrailleuses provenant de la route de MATTEXEY à GIRIVILLER.
Déjà très éprouvé par cette course à découvert sous le feu, le régiment "enlève à la baïonnette MATTEXEY", selon l'expression couramment employée signifiant plus exactement qu'il y a eu quelques combats au corps à corps. "Les Boyaux du 95ème", sous la plume du Lieutenant Henri B., en proposent un récit héroïque.
Les Boyaux...
Eric expliquera que le cimetière de MATTEXEY est le point de l'attaque le plus engagé, là où le 95ème se trouvera nez à nez avec une unité d'infanterie ennemie. De plus, les assaillants se verront menacés d'être débordés sur leur gauche par une autre unité allemande embusquée aux abords de la rivière.
A l'héroïsme du récit précédant, auquel il est bon d'ajouter également le son du clairon et la couleur rouge des pantalons, s'oppose le réalisme froid du J.M.O. ... où l'on apprend que Ferdinand est blessé.
J.M.O.
L'a-t-il été :
- à l'aller, entre la lisière du bois et le village,
- dans le village jusqu'aux abords du cimetière,
- ou bien dans la retraite qui a suivi ?
Bien obligé de battre en retraite sous les feux croisés d'un ennemi bien mieux préparé à ce combat, peut-être encore plus fin tacticien.
Ci-dessous 2 paragraphes concernant cette retraite. A vous de discerner "La campagne..." des "Boyaux..." !
???
???
Possible que Ferdinand ait vu, entendu, perçu ces "miettes du 95ème " remontant vers l'abri précaire du bois. Possible aussi qu'il soit inconscient, face contre terre, car Léon G. lui, "petite miette" réchappée remontant de MATTEXEY, l'a vu Ferdinand, très bien vu même, mais mort !
Remontées en lisière de forêt entre 11h30 et 12h, les "miettes du 95ème" y ont trouvé le renfort. Pas celui prévu le matin même, pas celui de l'infanterie du 85ème, ni celui d'une unité d'artillerie tant espérée, mais un renfort en la personne du chef de division, le colonel REIBELL. Rassemblant les "remontés en miettes" et les "restés en réserve", il renverra le tout à l'assaut de MATTEXEY, en musique et sous les couleurs du drapeau.
Voici les deux versions de cette fin de journée, l'héroïque et la réaliste, suivies du bilan et des perspectives pour le 26 tels que le rapporte le J.M.O.
La campagne...
Les Boyaux...
J.M.O.
Environ 1 200 pertes humaines depuis le 9, auxquelles s'ajoutent les 685 de ce 25 août 1914 : le terme de "décimé" appliqué au 95ème est donc encore plus approprié.
Décimé en hommes du rang, mais aussi en encadrement de caporaux, de sous-officiers et d'officiers, le régiment restera "en réserve" jusqu'à début septembre, le temps d'accueillir et répartir un renfort de 1000 hommes, de reconstituer un service de santé, de procéder aux promotions qui en permettront l'encadrement... "promotion canon" en quelque sorte.
Vue sur MATTEXEY - 27 juillet 2014 - (champ où sont tombés tant de "poilus", parmi lesquels Fernand)
Vue sur MATTEXEY - (27 ?) août 1914 - Cliché emprunté sur internet
Sur le champ à MATTEXEY, Ferdinand est resté couché, étendu face contre terre. Aura-t-il entendu ses camarades entonner la Marseillaise ? Aura-t-il vu le drapeau héroïquement brandi puis sauvé ?... A moins que trop occupé à souffrir, à mourir petit à petit, doucement se vidant de son sang, il n'ait rien perçu de tout cela...
Léon G. quant à lui, l'avait vu Ferdinand, si bien vu mort, qu'il s'est empressé de l'écrire au village, leur village. A MONTOT, Hippolyte et Marie-Louise les parents de Ferdinand, Jeanne sa promise, reçurent la lettre de Léon le voisin annonçant la triste nouvelle...
F6 - août 2014
(à suivre, 26 août... 1914)