TDF 15 - Dentelles bretonnes

Mercredi 30 juillet 2008 - (SAVENAY - PONTCHATEAU - MISSILLAC - LA ROCHE BERNARD - PEAULE - QUESTEMBERT - SAINT AVE - PLESCOP - SAINTE ANNE D'AURAY  //  117 km)

Le départ de Savenay à 11h est tardif, il faut réparer la crevaison de la veille. 

Ce long soupir poussé par ma bicyclette n'exprimait pas la jalousie de se voir reléguée contre la haie exclue d'un apéritif rafraîchissant, mais bel et bien la crevaison. Les 4 kg de pression remis l'après midi, la longue exposition au plein soleil et la dilatation qui s'en suit, le fond de jante défectueux, voici réunies les raisons de cette crevaison surprenante participant à propos à notre conversation appéritive.

En effet, en démontant ce matin je constate que le fond de jante ce cercle de plastique à la fois flexible et ferme, est creusé et fendu au niveau de certains trous de têtes de rayons qu'il est censé isoler de la chambre à air. Dilatée par la chaleur, la chambre à air s'est immiscée dans l'une de ces fentes coupantes. Pas de fonds de jantes chez le marchand de vélo de Savenay ! Il faut faire preuve d'ingéniosité et renforcer le cercle de la roue de 3 tours complets de ruban adhésif étirable d'électricien. Le rouleau d'adhésif acheté ce jour là ne quitte plus mon petit matériel de réparation, il sera d'ailleurs à nouveau utile le soir même au montage de la tente pour renforcer un arceau de fibre de verre en très mauvais état. Ce n'est donc qu'à 11h que je quitte les cousins et reprends la route.

La Vilaine est franchie à  LA ROCHE BERNARD. Je roule chargé des souvenirs de ces bons moments passés et de pensées familiales. Assoupi dans ceux-ci, je ne vois pas se rapprocher de ma sacoche avant surbaissée la haute bordure d'un trottoir : c'est l'accrochage, le réveil brutal et la chute sur le terre plein gravillonné peu avant QUESTEMBERT. Alerte vigilance, le matériel a très peu souffert, mais genou droit et devant du mollet bien entamés mettront plusieurs semaines à cicatriser. 

Sans pour autant transformer cette étape en chemin de croix, les incidents du jour et ce monument voyant, marquent mon entrée en Bretagne.

Bonne nouvelle, le camping se présente enfin à SAINTE ANNE D'AURAY, un peu tard à 18h30 mais pour 3 € 50 seulement.  Cette petite bourgade visiblement très animée et religieuse, accueille chaque année fin juillet le grand pardon. En 2008 il se déroulait les 25 et 26 et aujourd'hui 30 juillet, il reste encore sur le terrain de camping de nombreuses familles aux enfants nombreux, appartenant à une fraction traditionaliste de l'église catholique semble-t-il. A 20h, parents et enfants quittent bruyamment le camping, certainement pour la prière du soir, dont ils reviendront encore plus bruyamment alors que je tente de dormir. Eux ne m'entendront pas partir demain matin, et je ne suis pas sûr qu'ils aient remarqué cette petite tente supplémentaire dans leur environnement. Tous semblent chez eux, en famille, trop préoccupés des toilettes, repas et prières.

Jeudi 31 juillet 2008 - (SAINTE ANNE D'AURAY - LANDEVANT - HENNEBONT - PONT SCORF - QUIMPERLE - PONT AVEN - CONCARNEAU - BENODET - PONT L'ABBE - PLONEOUR LANVERN - POULDREUZIC - LANDUDEC - DOUARNENEZ  //  160 km) 

Départ à 6 heures, arrivée à 16 heures 30 pour une étape sans doute trop ambitieuse. La perspective d'atteindre ce soir le 4^ème sommet de l'hexagone prend le dessus malgré le crachin et la pluie m'accompagnant depuis PONT AVEN. La matinée est sèche et efficace, mais l'après midi sera éprouvante de circulation, de vraie pluie et de vent... dangereuse. 

L'hypothèse d'une soirée pluvieuse en camping est si peu engageante que je m'engouffre dégoulinant dans la maison du tourisme de PONT L'ABBE. Pratiquant ainsi à chaque entrée dans un nouveau département, je me procure le catalogue des hébergements et peux ainsi dégotter un camping sur le parcours, ou bien le moins coûteux d'un secteur, ou bien encore le rare gîte d'étape qui me sauvera d'une soirée humide. Ce fut le cas en cette fin juillet à DOUARNENEZ. Mieux encore, l'employée de la maison du tourisme de PONT L'ABBE aura la gentillesse de téléphoner et de réserver pour moi au Gîte des Plomarc'h.

Magnifique endroit, exceptionnelle situation à faire enrager les promoteurs immobiliers : les Gîtes des Plomarc'h sont implantés sur le terrain de 20 hectares d'un ancien village de pêcheurs légué à la commune. 

Ferme, jardin, arboretum, restauration en cours font de ce lieu préservé un havre de quiétude pour familles, promeneurs du dimanche, et randonneurs éprouvés. L'hébergement collectif et chaleureux offre dortoir et chambres, il tient à la fois du refuge de montagne et du gîte de court séjour. Je rencontrerai ici une jeune vacancière en stage d'Art vocal, une jeune médecin généraliste en remplacement, un amateur de festivals de publications et de dessins marins, un couple mère-fille en itinérance bretonne automobile. Chacun vaque à ses occupations en cette fin d'après midi. Les miennes sont très ménagères et alimentaires, vent et rayon de soleil ne sècheront que partiellement mon linge.

En visite en ville, je prends pour dessert la galette, le bol de cidre breton et l'appel téléphonique de Gilbert. Ce séjour à DOUARNENEZ sera trop court pour profiter pleinement du lieu magique, de son point de vue unique sur la baie depuis le jardin du gîte.

Ce n'est qu'au petit déjeuner, après m'être accordé une grasse matinée que j'échange avec Céline, jeune médecin originaire et amoureuse du Finistère, en remplacement à Douarnenez. Nous tombons d'accord pour reconnaître à la marche à pied qu'elle pratique en grande randonnée dans des pays étrangers, ainsi qu'à la bicyclette, des vertus psychologiquement réparatrices. Régularité, lenteur et cadencement du mouvement aident à oublier, ordonner, projeter, remettre en ordre... Par contre Céline a bien du mal à entendre qu'on puisse ne pas s'arrêter plus longtemps dans LE (son) FINISTERE ! Je lui promets de revenir, mais il est temps pour elle de partir très en retard pour ses consultations, et pour moi de quitter ce lieu magique pour un autre, qui le sera peut-être tout autant.

Vendredi 1er août 2008 - (DOUARNENEZ - LOCRONAN - PLOMODIERN - SAINT NIC - ARGOL - Pont de Trérénez - LE FAOU - DAOULAS - PLOUGASTEL DAOULAS  //  81 km)

Départ 10h, arrivée 16h. 

Me vient la réflexion rapportée d'un ami : "il en a fini de la montagne, maintenant ça va être plus facile".

Certes j'en ai fini provisoirement des grands massifs montagneux, mais c'est ignorer que le Menez Horn "barre" l'entrée de la Presqu'île de Crozon en culminant à 330 mètres au dessus d'une mer qui n'est éloignée que de 5 ou 6 kilomètres. C'est ignorer également que cette pointe bretonne est "un Morvan" qui jetterait à la mer une multitude de fleuves côtiers. Je pense que les dénivelées journalières cumulées de cette portion de côte de SAINT NAZAIRE à BOULOGNE SUR MER n'ont pas à pâlir devant celles de nos randonnées réputées montagneuses. J'en tiens pour indices qu'ici en Bretagne et plus loin dans le Pas de Calais, j'ai eu recours aux plus petits des développements qu'offre mon vélo et atteint en bord de mer les mêmes 70 km/h que parfois dans les grands cols.

Cette côte découpée en dentelles du Finistère est magique de luminosités. Ciels, terres, mers et forêts ne s'écrivent qu'aux pluriels. Ils passent dans une même journée, parfois dans une même heure par une variété de teintes, de couleurs, et d'intensités telles qu'on pourrait ne pas reconnaître un paysage quitté des yeux seulement quelques instants.

SAINT NIC, ARGOL, Pont de Térénez, me révéleront les plus beaux panoramas de cette journée. Il m'apparaît sage de réserver le passage de  BREST au lendemain. J'en suis quitte pour descendre au bord de l'Elorn à SAINT JEAN face à la grande ville pour trouver le camping de PLOUGASTEL DAOULAS. Le site est loin d'être aussi magique que Plomarc'h, mais la balade de soirée le long du fleuve est dépaysante et fort agréable. Demain débutera par la remontée de la bosse avant la descente et le franchissement de l'Elorn.

Samedi 2 août 2008 - (POUGASTEL DAOULAS - BREST - GUIPAVAS - PLOUDALMEZEAU - LANILIS - PLOUGUERNEAU - PLOUESCAT - SAINT PAUL DE LEON - MORLAIX - PLESTIN LES GREVES - SAINT EFFLAM  //  160 km)

Départ très tôt entre 5h30 et 6h, arrivée 16h15. 

La nuit est très humide. Chaque soir je prépare le café dans la petite cafetière italienne que je laisse dehors sous une haie ou un buisson avec la sacoche cuisine. L'eau chauffe et le café passe tandis que je range mes affaires. Ce matin l'eau chauffe mais le café ne passe pas ! Intrigué je lève le couvercle pour y trouver la cause de ce désagrément matinal : une limace dilatée commence à cuire et à remplir entièrement le compartiment supérieur de la cafetière. Aventure plutôt rigolote, à prendre comme témoignage d'humidité, mais café à refaire après un sérieux nettoyage du gluant ! 

L'arrivée à Brest se fait par le pont Albert Louppe sur l'Elorn tout comme pour Paris-Brest-Paris. Certes je reconnais ce pont, mais rien de la ville, je me laisse alors guider par les indications cyclables. De quartier ouvrier en zone industrielle ou commerciale, en passant par les abords de l'aéroport, le contournement s'avère long et fastidieux. Mieux vaut s'affranchir de ces mauvais moments au petit matin quand la circulation est encore fluide. Crachin, pluie et vent m'accompagnent encore, je dois bien faire avec. Ne parlons pas d'apprécier bien entendu, ni même de s'habituer, mais simplement de supporter en attendant les jours meilleurs éclairant des paysages plus remarquables.

Aujourd’hui ce sera randonnée dans une Bretagne plus agricole que touristique. On y récolte les artichauts et si l'odeur d'élevage ne se fait pas sentir, les bords de mer verts laissent à penser que la pollution est très importante. Les animaux sont plus loin dans les terres ou alors enfermés hermétiquement.

PLOUDALMEZEAU localité de contrôle est stressée dans les préparatifs de la fête locale. Un centre ville interdit à toute circulation m'oblige à parlementer pour franchir les barrières et obtenir le cachet d'un commerçant attestant de mon passage.

J'arriverai au camping de SAINT EFFLAM sur la commune de PLESTIN LES GREVES en même temps que deux marcheurs hollandais venus randonner sur un sentier côtier breton après avoir fuit l'Angleterre et sa météo encore plus détestable.

Dimanche 3 août 2008 (PLESTIN LES GREVES - LANNION - TREGUIERSAINT QUAY PORTRIEUXSAINT BRIEUX- FREHEL - MATIGNON  //  158 km).

Départ 6h30, arrivée 17h30. 

De cette triste journée de temps gris humide qui suit, je ne retiendrai que ma colère à l'encontre des pistes cyclables, de leurs aménageurs concepteurs, et mes remerciements à l’adresse de la patronne de bar du centre ville de SAINT BRIEUX. Grâce à elle j'ai pu m'extraire d'une toile d'araignée où j'ai bien cru désespérer tant, y entrer déjà, puis s'en extirper ensuite, s'avéreront difficiles. 

Cette traversée de la préfecture des Côtes d’Armor sera la plus déroutante et rageante de tout le périple. Au départ tout va pour le mieux, la D 786 passe à 4 voies et se trouve longée par une piste cyclable tout à fait correcte. Mais, par un panneau interdit aux cycles, celle-ci s'interrompt brusquement  au rond-point arrivant sur la N12. Et le panneau, on ne le trouve que 200 m après s’être engagé au-delà du-dit rond point ! Demi-tour et marche à pied en contre-sens sur le talus d'une 4 voies. De la D786 qui jadis traversait St Brieux, il ne subsiste plus d'indication. Désormais la N12 règne en maîtresse absolue sur une traversée de l'agglomération bretonne qui n'est conçue que motorisée ! A droite du rond-point, la zone industrielle me refoule par l'opacité de ses panneaux n'indiquant que des noms d'entreprises et aucune localité. A gauche du rond-point j'hésite. Je suis bien obligé de m'aventurer mais très précautionneusement car le bord de mer est très très bas en contrebas. La carte routière ne laisse pas optimiste sur le réseau routier de ce secteur étroit entre océan et agglomération. Je demande mon chemin à un promeneur de chien qui d'abord réfléchit, commence à expliquer, puis propose de m'emmener en voiture ! Je remercie et refuse poliment tout en lui demandant courage, confiance et ténacité pour ses explications. De pont en PMU en passant par carrefour et pharmacie me voilà la tête bien pleine. C'est roulant au pas que j'avance de repère en repère jusqu'à retrouver après un kilomètre ou deux l'indication magique de la D786 ressuscitée. Elle s'enfonce  par un trou de verdure inattendu vers un dépôt d'autocar avant de traverser la rivière puis de remonter très très sévèrement vers le centre ville. Ces péripéties me rendront très méfiant à l’égard des grandes agglomérations. SAINT BRIEUX est si compliquée, qu'elle en est fort peu sympathique, voire carrément détestable au cycliste voyageur. Comble de l'ironie, cynisme involontaire, alors que tout mon air est exclusivement réservé à me hisser à peine à 4 km/h du fond de la rivière vers le centre ville, une mouflette et son boutonneux me demandent leur chemin ! 

Parvenu au centre ville je suis les panneaux conduisant à la gare et me réfugie au Bar de l'Ouest. Nous sommes dimanche, la patronne est seule et commence ses explications puis elle me suggère de noter, ce que je m'empresse de faire puisqu'elle accepte de tout reprendre. Je veux sortir par LANGUEUX et YFFINIAC pour retrouver ensuite ma D786. Voie ferrée, rond point, lycée, bar pizzéria, hôpital, pharmacie, zone résidentielle, zone commerciale,  seront mes nouveaux petits cailloux à trouver, et c'est triomphant que je remercie Madame par téléphone une fois parvenu à YFFINIAC. 

Bon accueil au camping de MATIGNON (où je n'ai pas rencontré notre premier ministre). 

F6 - septembre 2009 

Comments

[Halgaro]

Les escargots se mangent bien, alors une limace...à la vapeur ...t'es peut être passé à côté de quelque chose de succulent!

Impressionnant également ce pont de la Roche Bernard par sa hauteur, très joli ce petit coin de Bretagne.

Tes photos de mer sont très belles.

Tu es bien courageux, il y a fort longtemps que j'aurais abandonné!

[jean-françois]

Terrible ces traversées de ville, je me guide à la boussole et "souvent" ça marche, les indications concernent les automobiles et les vélos sont les dindons...

Sympa la limace...

[marie-édith]

Tu vis dangereusement Francis !!!

hi, hi, hi.

Mais tu as remarqué qu'en Bretagne il fait beau plusieurs fois par jour ?

bizzzzz