TDF 11 - Du Tourmalet aux derniers cols pyrénéens
Jeudi 24 juillet 2008 - (SAINTE MARIE DE CAMPAN – COL DU TOURMALET - LUZ St SAUVEUR - PIERREFITTE NESTALAS - ARGELES GAZOST - AUCUN - COL DU SOULOR - COL D'AUBISQUE - GOURETTE - LARUNS // 108 km)
Départ à 6h35, tout de suite dans le Tourmalet le jour se lève lentement, sombre et menaçant au loin.
Ce col que je découvre ce matin partant de Sainte Marie de Campan, c'est 17 km d'ascension de 857 à 2115 m d'altitude, 500 derniers mètres à 14%, et une solide réputation de difficulté.
Les puristes passionnés, dissèquent les altitudes, et les pourcentages. Leurs auteurs de chevet profilent les cols et publient des ouvrages compliqués où les ascensions sont disséquées en chiffres et en courbes... Je me sens bien épicurien, insouciant et bête devant ces empilements de données auxquelles j'ai bien du mal à m'intéresser. J'arriverai un peu avant 10 heures au sommet après avoir dégusté, siroté, humé, bien plus d'images et de sensations plaisantes que j'ai appris et retenu de données chiffrées objectives très certainement régulatrices d'efforts sportifs. Ce qui est écrit sur panneaux et bornes auxquels j'accorde parfois un regard me suffit grandement.
Temps clair au départ de Sainte Marie de Campan, l'humidité et le brouillard annonciateurs de mauvais temps sont encore loin derrière mes talons. C'est tellement beau de les voir monter que, s'ils n'étaient pas si menaçants pour la suite des événements, on s'arrêterait bien au bord de cette journée pour les contempler arriver.
Profiter de ces instants, cueillir dès aujourd'hui ... Le pain de sucre du Pic du Midi de Bigorre baigne déjà dans un azur lumineux alors que LA MONGIE bétonnée et câblée trempe encore dans l'ombre du petit matin, dans la poussière et la boue des travaux d'été de station de ski.
Le pourcentage devient sévère au niveau des pare-avalanches où quelques vaches s'abritent encore pour finir leur nuit. Seul, je monte sans être dérangé. Les cyclos moins matinaux ont dû rester couchés devant la grisaille en vallée.
Après La Mongie les vastes alpages où paissent les troupeaux de moutons semblent bleutés. Quelle surprise de découvrir, ici sauvages, les mêmes iris que mes grands parents bichonnaient dans leurs plates bandes !
Les derniers efforts effleurant le Pic du Midi sont particulièrement ardus. Ma lenteur doit motiver les deux "collègues" qui se rapprochent peu à peu puis me dépassent sans un mot. Le peu d'air qui leur reste est essoufflé dans leurs derniers gestes pour une quête chronophile. Auront-ils au moins vu mes iris ?
Le sommet s'anime tout juste des mêmes étals, baraques et bars que dans les Alpes, ouvrant à mon passage leurs devantures de minéraux, peluches, cornes, cannes, porte-clés, albums, miels, herbes... De souvenirs, je me satisferai grandement de toutes ces images et sensations emmagasinées dans mon appareil photo et dans mes muscles, de ces iris arrosés d'un thé bien chaud.
La descente est dangereuse au départ. J'apprécie à nouveau la stabilité de ma monture et la fiabilité de ses freins allemands capables de ralentir et stopper mon ensemble routier qui doit bien peser 140 kilogrammes. Après 40 km de vallée et de gorges, j'aborde sous le soleil le début de la montée du COL DU SOULOR, mais petit à petit, j'entre dans le brouillard.
Patientant dans l'attente du client, une gentille grand-mère chaussée de bottes de caoutchouc et de lunettes de soleil propose son fromage de brebis dans la boucle d'un lacet peu avant le sommet. Le brouillard devient si épais qu'on distingue à peine la ferme, puis il tourne en crachin pendant notre conversation. J'achète une belle portion que j'enfonce dans la sacoche n°4, celle qui a déjà servi de cave d'affinage au reblochon dans les Alpes. M'enquérant de la proximité du sommet, mamie me répond "vous-y serez vite avec votre mobylette !".
Visibilité 25 mètres, humidité maximale ; en quittant mamie, avant de remonter sur ma "mobylette", j'enfile imperméable, gilet jaune fluorescent et allume l'éclairage, il est 13h30 !
C'est un cadeau de l'océan atlantique qui m'accueille dans ces avant-derniers cols. Je ne verrai rien de la réputée somptueuse corniche des Pyrénées et du cirque du Litor. Gilbert y est passé 4 fois sans rien voir ! Mieux vaut habiter sur place ou séjourner dans le secteur.
Entre Soulor et Aubisque, impossible de savoir si ça monte ou si ça descend tant le brouillard est épais. Bergerie fantôme, chiens affalés sur la chaussée, berger pas stressé, charolaises débonnaires, tout ça met l'automobiliste au pas, plein phare !
Au bar du COL D'AUBISQUE, c'est la garbure qui fait un tabac à 15h30 en plein été auprès des teneurs d'étals et de quelques rares clients frigorifiés réfugiés à l'intérieur. J'ai beaucoup de mal dans la descente claquant des bras et des dents. Dans un colis posté à Tarascon d'Ariège, je m'étais délesté d'une fourrure polaire que je regrette bien aujourd'hui ! L'incontournable magasin de sport de GOURETTE n'a rien, rien, rien, ou alors que du très cher, inadapté, sauf à faire le beau en station ! Pauline m'avait parlé d'un camping sympathique dans cette localité où elle avait trouvé refuge accueillant un jour de "pas d'chance". Je préfère parier sur la hausse de la température en vallée et sur un gîte d'étape : je laisse passer les deux campings. Rien à EAUX-BONNES, sinon la gentillesse des filles de l'office du tourisme. Sensibles à mon allure défaite, elles téléphonent et réservent pour moi à LARUNS au gîte l'Embaradère. J'y arrive presque réchauffé et sec à l'extérieur, mais bon à essorer à l'intérieur.
La maison est étonnante, sympathique, et multi-usage à la fois gîte, bar, et restaurant. Elle m'offrira mon deuxième vrai lit depuis le départ le 6 juillet. Je profite de la fête au bourg : ambiance sportive, gastronomique et traditionnelle que je trouve plus authentique que dans les Alpes.
Vendredi 25 juillet 2008 - (LARUNS - BIELLE - COL DE MARIE BLANQUE - BEDOUS - ISSOR - ARETTE - LANNE EN BARETOUS - TARDETS SORHOLUS - MAULEON LICHARRE - SAINT PALAIS // 104 km) - Départ 8 heures (grasse matinée).
Au programme aujourd'hui le troisième sommet de l'hexagone de ce tour avec la carte contrôle à poster de TARDETS SORHOLUS, la fin de la montagne pyrénéenne, et le début du Pays Basque que je ne connais pas.
Terminus de la montagne des Pyrénées, le Col de Marie Blanque m'est offert comme un dessert verdoyant de la traversée du massif. Chevaux en semi liberté sur le plateau de Bénou, grand calme, petites routes sans circulation, des allures de Jura. C'est bien à regret que je m'apprête ici à quitter la montagne reposante aux étapes calibrées par les passages de vallées en vallées.
Une fois traversée la route nationale 134 longeant le Gave d'Oloron et la vallée d'Aspe, après la descente de Marie Blanque, le paysage s'affale avec soubresauts et montagnes russes jusqu'aux rives de l'Adour. C'est donc ça et là le Pays Basque.
Après pique nique et sieste au bord de la rivière, je reprends la route sous une chaleur de plus en plus écrasante. A TARDETS SORHOLUS, je transpire sous les arcades le litre d'eau gazeuse devenu habituel, tout en écrivant la carte contrôle à l'organisateur et quelques autres à la proche famille. Comme VENCE puis MONT LOUIS, TARDETS marque le virage : à partir d'ici s'amorce la longue, très longue remontée vers le nord.
Dans l'après midi, je scrute les devantures de magasins à la recherche d'un cadeau d'anniversaire pour maman (27 juillet) et Marie-Claire (4 août). J'ai bien l'idée mais je tourne en rond dans MAULEON LICHARRE : la seule boutique qui propose ces lourds tabliers de cuisine traditionnels colorés en cotonnade basque ouvre à 15 heures… mais n'ouvre pas !
Par hasard j'entre dans le magasin d'une usine d'espadrilles et c'est ici que je trouverai l'alternative au tablier : fond de corde de semelle d'espadrille, corps et bandoulière d'épaisse cotonnade colorée, ce sont deux sacs originaux que j'adresse par la poste. Les dames choisiront leur couleur et je me plais à imaginer leur surprise à l'ouverture du colis ... petit moment de famille à distance.
Ici passe le chemin de St Jacques de Compostelle, j’en croise fréquemment le fléchage. A l’office du tourisme de SAINT PALAIS, j’apprends qu’un gîte est proposé aux randonneurs dans la maison des Franciscains. Nous comparons les tarifs : le lit en chambre individuelle pour 11 € est moins cher que l'emplacement et la piscine à 14 € au camping. Je profiterai donc de deux nuits consécutives dans deux gîtes différents, préférant le lit au montage de la tente, me passant facilement de piscine.
Cette maison magnifique offre un accueil sympathique. Plus l'ombre d'un moine franciscain, la gestion est devenue associative et laïque. Je partage le repas avec Gaby l'hôtelier et son ami de passage frère Ludo. Celui-ci se laisse questionner à mon grand plaisir : prêtre Belge flamand propriétaire d'une maison voisine à St Palais // enseignant le basque auprès de jeunes à l'aide de ses traductions religieuses publiées // amoureux du Pays Basque à la suite de l'hébergement en Belgique d'orphelins de la guerre d'Espagne ...
F6 - septembre 2009