Mystérieux endroit
L'endroit est passager, traversé chaque jour par des centaines de personnes et pourtant, pas âme qui vive !
Que s'est-il passé ?
Un drame s'est-il joué ici ?
Que s'est-il passé dans ce défilé étroit et encaissé ?
Qui l'a fui, déserté, abandonné ? Qui a-t-on écarté, renvoyé, chassé ?
Des militaires au casernement, des enfants en colonie de vacances, des ouvriers désoeuvrés, la bonne société en villégiature ?
Pas âme qui vive et pourtant...
et pourtant la couleur surgit de l'enchevêtrement végétal...
la couleur envahit chaque mur, chaque parapet...,
chaque pilier, marche d'escalier, chaque surface de béton de toutes les constructions de ce côté-là de la route.
Et pourtant, avant, encore avant la couleur des murs...,
cet escalier, cette rampe, ces cabines, cette planche...
Ici on s'est baigné, on s'est éclaboussé, poursuivi, poussé...,
on a sauté, nagé, plongé...,
on a appris, on a donné des leçons...,
on s'est chamaillé, défait, refait, disputé, rabiboché...,
on a ri, pleuré, goûté, crié, conspiré, hurlé...,
on s'est aimé, on s'est détesté, on s'est gifflé, on s'est embrassé.
Dans ce défilé étroit et encaissé passe la route qui vient du BEAUFORTAIN, franchit le CORMET DE ROSELEND et conduit à BOURG SAINT MAURICE.
Dans ce défilé étroit et encaissé, descendues des grandes aiguilles à plus de 3000 m se rejoignent les eaux du TORRENT DES GLACIERS et celles du TORRENT DE VERSOYE, parfois alanguies le temps d'un replat de terrain, plus souvent cascadant furieusement.
Dans ce défilé étroit et encaissé, sourd l'eau de la source chaude de BONNEVAL LES BAINS.
Le grand hôtel des thermes attend des jours meilleurs qui tardent, qui tardent. La piscine a eu un peu plus de chance, quelques années seulement.
Résumé dans les grandes lignes de "Et là, coule la source de Bonneval les Bains, commune de Bourg Saint Maurice" (voir lien en fin d'article) :
168 après JC : Thermes de Bonnœvallis que les romains reconstruisent... attribuent à à la source des propriétés diurétique, digestive, contre l’eczéma et les rhumatismes.
De 1703 à 1711, lors de l’occupation française, les bains étaient utilisés par les officiers.
1806 : Les gens du pays viennent se baigner dans deux trous, recouverts de branches sèches, les hommes dans un et les femmes dans l’autre. Eaux sont très renommées pour les maladies de peau et les douleurs rhumatismales.
1827 : Conseil municipal de Bourg-Saint-Maurice accorde la construction d’« une cabane, au lieu dit Bonneval, à l’effet d’y établir un bassin propre à prendre des bains ».
1828 : Davide Bertolloti pour Sa Majesté le Roi de Sardaigne, indique « …la source de Bonneval est si puissante qu’elle suffirait pour faire mouvoir un moulin. L’eau a de 30 à 32 degrés Réaumur de chaleur à son émergence . Elle est légèrement vitriotée et répand une forte odeur de soufre. Le dépôt d’oxyde de fer dont elle couvre son lit arrive quelquefois à l’épaisseur d’une demi-palme. Les bains pris dans ces eaux guérissent merveilleusement les douleurs rhumatismales et celles provenant de blessures, de contusions, de fractures. Les eaux minérales de Bonneval l’emportent par leurs vertus sur plusieurs thermes célèbres. Mais les sources médicinales ont aussi leur destin. Situées ailleurs les eaux de Bonneval attireraient de magnifiques établissements et attireraient les baigneurs par milliers. Ensevellies dans ces gorges, elles ne sont utilisées que par les gens du pays; une misérable cabane sert d’étabissement, et les médecins étrangers n’en connaissent pas même le nom. »
cadrage historique : Ce second quart du 19ème siècle, dans le Royaume de Sardaigne, en fond de vallée, loin de voies de communications importantes Bonneval les bains devra attendre tandis qu'en France les centres thermaux d’Aix les Bains, Saint Gervais et Evian attirent la Bourgeoisie.
1860 : Citée dans le « dictionnaire général des eaux minérales et d’hydrologie médicale » - Sulfurée, température 26° centigrades, aucun travail chimique réalisé, dégage une odeur hépatique, dépôt par évaporation spontanée fait présumer en plus une nature saline et ferrugineuse. Jaillit des mêmes terrains que les eaux de Saint Gervais. Connues de temps immémorial, n’ont jamais eu qu’une utilisation locale. Vingt baignoires et une piscine. Site très pittoresque.
1875 : L’académie de Val d’Isère fait une description peu flatteuse du centre de cure « … construction composée de deux misérables cabanes, séparées par la route, et toutes deux sur la rive gauche du torrent. La gorge est très resserrée en cet endroit car la route, le torrent et les deux petites cabanes dont nous venons de parler en occupent presque toute la largeur… les réclamations nombreuses et légitimes de la part du public, réparations urgentes et nécessaires... Il parait que l’on donne à Bonneval, en moyenne, près de 3000 bains par saison. Ce nombre relativement considérable, serait bientôt doublé et triplé, si l’installation des eaux était convenable… »
1878 : Le chimiste Calloud note : « ... Leur débit, qui n’est pas moins de 700 litres par minute, ou 1.000.000 de litres en 24 heures, leur permettrait d’alimenter un établissement important... L’établissement de Bonneval consiste simplement en deux chétives maisonnettes, où se trouvent installées 9 baignoires en planches grossièrement équarries, et construites au-dessous du sol, dans des cabinets peu confortables, éclairés par d’étroites lucarnes... les bains de Bonneval ne sont fréquentés chaque année que par 200 ou 250 personnes, qui sont toutes des environs, au moins du département, les plus éloignées séjournent quelque temps dans une auberge voisine de la source, et qui est tenue par le propriétaire des bains... Les eaux thermales salines, ferrugineuses, arsénieuses et sulfureuses de Bonneval ne s’exportent pas. Leur exploitation industrielle serait susceptible d’une grande amélioration... »
Juin 1878 : Monsieur Laurent Rey , propriétaire de la source, établi à Bonneval un café restaurant et des chambres meublées. Douze cellules et 16 baignoires permettent de prendre 3000 bains par saison dans des installations encore très rudimentaires.
18 mars 1888 : Le propriétaire de la source expose les informations d’une lettre envoyée au sous préfet et précise que 700 curistes sont accueillis dont 200 souffrent de rhumatismes ou d’affections cutanées. Ces curistes logent chez Messieurs Sansoz et Laurent, dans les maisons bourgeoises aux alentours ou vont dormir dans les hôtels de Bourg Saint Maurice à 2h30 de la cure...
1894 : Une analyse physicochimique complète est réalisée.
1896 : Selon le docteur Linarix « Les bains de Bonneval méritent l’attention du corps médical, par leurs propriétés thérapeutiques. Elles ont déjà donné de brillants résultats... l’eau arrive à une température de 35° et avec une telle abondance que l’on peut y donner des bains à eau courante. »
1935 : Des travaux de captage sont entrepris. La construction De l’hôtel des Thermes devra permettre d’exploiter le thermalisme de la source.
18 Juin 1938 : Nouvelle analyse des eaux de Bonneval par le laboratoire municipal et départemental de Chambéry « l’eau est potable au point de vue chimique et bactériologique, elle contient peu de gemmes au centimètre cube et peu de colibacilles. C’est une eau pure et bonne. »
Rapport établi 15 mois avant l’entrée de la France dans la seconde guerre mondiale...
Dans les années 50 – 60 Les jeunes borains (habitants de Bourg Saint Maurice) peuvent s’adonner aux joies de la baignade en sautant du grand plongeoir de la piscine municipale.
Janvier 1990 : Acquisition des 7/8 eme des terrains par un seul propriétaire. Travaux de recaptage réalisés. Dossier d’agrément présenté au ministère de la santé après 8 mois de suivi de l’eau de la "source Edelweiss".
16 février 1994 : Société Pierrine Holding gère les actifs de la source de Bonneval les Bains. La demande de classification de l’eau de Bonneval est un échec. Nouvelles analyses de l'eau est embouteillée, les essais cliniques ont lieu, le Professeur Toussaint démontera les vertus contre le cholestérol de l’eau de Bonneval. Un nouveau dossier est présenté à l’académie de médecine et au ministère de la santé.
9 Mai 1996 : L’eau de Bonneval est, par arrêté, reconnue eau minérale et thermale par la direction générale de la santé. Autorisation d’exploitation à l’émergence donnée.
28 octobre 1996 : Le projet est retardé par une nouvelle réglementation européenne qui ne permettra pas à la société concessionnaire de se maintenir. La source ne peut pas être mise en exploitation sa source.
Avril 2008 : La bataille municipale fait rage, ça y est, c’est sur, le projet de l’eau de Bonneval verra le jour avant la fin de l’année !
25 Juillet 2008 : Création de la SAS Bonneval Emergence concessionnaire exclusif de la source de Bonneval les Bains pour une durée allant jusqu’en 2044.
Mai 2009 : Les eaux de Bonneval redeviennent un enjeu électoral autour des turbulences dues au départ du 7ème bataillon de Chasseurs Alpins.
2010 : Nouvelle phase de tests rendus obligatoires par l’autorité Européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Agency « EFSA ») a été réalisé sur des rats ; ces tests se sont avérés concluants et font chuter le taux de mauvais cholestérol.
11 mai 2011 : Le transport de 14m3 d’eau prélevés à l’émergence sont acheminés et prêts à être embouteillés à la source de Asperjoc en Ardèche . Le paradoxe veut que le plus petit débit d’eau minérale naturelle français de la source Asperjoc (0,3 m3/h) vienne en soutien à la seconde source nationale en volume (153 m3/h).
1er Juin 2011 Les tests sur les humains débutent
9 Novembre 2011 : 744 personnes ont à ce jour participé aux essais cliniques.
17 Novembre 2011 : Après 74 ans de léthargie, les travaux à l’hotel des thermes reprennent sous la direction d’un cabinet d’architecture marseillais.
18 janvier 2012 les test sur les humains sont presque terminés. Les résultats seront publiés dans 2 revues scientifiques au cours des prochains mois.
Ici s'arrêtent les informations données par ce site qui semble tari. Depuis, bien d'autres péripéties ont dû se jouer, le chantier de l'hôtel est interrompu, les arbres poussent à l'intérieur... On lit que l'eau minérale (médicale) serait conditionnée dans des briques de carton à destination du nord du continent américain...
Tout ça est encore bien mystérieux !
Sans attende 2044, si j'en apprends de Pierre VILLENEUVE que je rencontre prochainement, je ne manquerai pas de vous donner des nouvelles de ce site dont l'avenir parait toujours bien compliqué.
Torrent des Glaciers
Pendant ce temps, l'eau ne s'arrête pas de couler dans le défilé étroit et encaissé qui aurait pu être un charmant endroit.
Source chaude d'eau "sulfurée, calcique, chlorurée, gazeuse, ferrugineuse, silicieuse et arsenicale"
Post-scriptum :
- 4 jours après avoir photographié le site je constate que le bâtiment a été complètement occulté et que la piscine est en cours de démolition. Ces clichés en seront donc probablement les derniers au stade de l'abandon.
- Pierre VILLENEUVE et moi avons échangé informations, observations, suppositions : les travaux ont repris dans l'Unité d'embouteillage de l'eau de BONNEVAL LES BAINS située sur la commune de SEEZ, seuls une mise en sécurité et la valorisation minimale du site de la source seraient "raisonnablement" envisagés...
© F6
7 octobre 2015
NB : en cliquant sur chaque photo celle-ci s'ouvre bien plus nette dans une nouvelle fenêtre, c'est plus chouette à contempler. En bas à gauche deux flèches permettent de faire défiler toutes les illustrations de la publication. Sous la photo vous trouverez, mais ça pésente peu d'intérêt, le nom que j'ai attribué au fichier (n° d'ordre - jour - mois - sujet).
Les documents d'époque sont empruntés au site de Pierre VILLENEUVE avec sa sympathique autorisation. Je vous recommande la visite chez Pierre, un homme qui aime et qui oeuvre pour les échanges, la convivialité. Pierre tient ici une chronique fournie et assidue des bons et des moins bons moments de la Haute Tarentaise.
Pour tous contacts( envoi de textes et photos à paraître): p.villeneuve1942@gmail.com Ce blog se veut être une chronique ordinaire des petits et bons moments de la vie en Haute Tarentaise.En toute convivialité et complicité créons le lien entre nous et échangeons les infos.
http://infohautetarentaise.blogspot.fr
Les eaux thermales de Bonneval les Bains sourdent dans le vallon du même nom au pied occidental du Petit Saint Bernard. Depuis des temps immémoriaux les populations attestent des qualités de ces eaux sulfurées, calciques, chlorurées, gazeuses, ferrugineuses, silicieuses et arsenicales.
http://lesarcs.typepad.fr