Un drôle de tour de LOUE
Août 2013 - La LOUE à ORNANS
Jusqu'en août 1901, la LOUE était considérée comme une rivière à part entière, longue de 130 km depuis sa source dans le département du DOUBS en contrebas d'OUHANS, jusqu'à son confluent avec la rivière DOUBS à PARCEY dans le département du JURA.
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De retour en 2013 dans cette région d'étés d'enfance, je retrouve là chaque année des odeurs, des luminosités et des sensations qui participent à mon bonheur.
Août 2013 - RD 67 - Gorges de Nouailles
"Des racines, des cartes, des godillots et des roues", voici le programme qui me fait retrouver, élargir, étoffer découvertes et émotions sur le substrat des aventures enfantines.
Juillet 2015 - petit matin encore frais à MOUTHIER :
"L'oeil de LOUE", "La LOUE dans l'oeil", "La larme à la LOUE", "La LOUE à l'oeil", "Se rincer la LOUE", "La LOUE bel-oeil", "Beau clin de LOUE", "Bonne LOUE, bon oeil"...
ORNANS, bien que située à seulement 16 kilomètres de la source de la LOUE, constituerait le centre de la vallée, à la fois en raison de son nombre d'habitants, pour ses quelques entreprises, mais aussi et surtout pour l'attraction et l'intérêt culturel de son musée COURBET.
Gustave COURBET - Source de la LOUE - 1863
Installée sur les rives de la LOUE à ORNANS, Jean-Marc VIENOT y dédie sa saisissante sculpture à "tous les humanistes"...
"A tous les humanistes de ce monde. A tous ceux qui ont donné leur vie pour l'humanité"
Juillet 2015 - placette au débouché gauche du pont (photo 1)
... j'imagine que, parmi eux, se trouvent en bonne place les francs-comtois Gustave COURBET, Pierre-Joseph PROUDHON, Charles FOURIER, mais aussi Victor HUGO, Louis PERGAUD, Louis PASTEUR et bien d'autres. L'idée me plait de leur associer également les anonymes employés de la fabrique horlogère LIP en lutte dans les années 1970 à BESANÇON, les éleveurs et les fromagers, chevilles ouvrières d'une économie coopérative assurant aujourd'hui encore une place de choix à l'artisanat laitier franc-comtois...
Août 2013 - La LOUE à ORNANS
Sur son cours de près de 130 km, la LOUE recevra, entre autres, le renfort de la CUISANCE et du LISON, sortis-crachés de célèbres reculées jurassiennes, de la BREME et de la FURIEUSE, ruisseaux de plateaux ; tous lui assurant un débit moyen de près de 60 m3 / seconde à son confluent avec le DOUBS.
C'est à la source de la LOUE que se rendra ma promenade depuis MOUTHIER-HAUTE-PIERRE.
Juillet 2015 - petit matin encore frais à MOUTHIER
Plutôt que par le court chemin en partie carrossable du plateau depuis OUHANS, je préfèrerai aller chercher cette source loin au fond de sa vallée aux allures de canyon, en suivant au plus près la rivière dans ses gorges.
En chemin souvent escarpé, il ne faut pas manquer le crochet vers la grotte des faux monnayeurs...
suivie quelques centaines de mètres plus loin par la source du PONTET.
On admirera ensuite l'entrée des Gorges de NOUAILLES, la cascade du Grand Saut, puis, ça et là, d'énormes tufières.
Autrefois, depuis 1260 et jusqu'en 1926, malgré des variations saisonnières de débit importantes (de 100 m3/s en février à 20 m3/s en août), à la source de la LOUE, vivaient et travaillaient quelques familles dans une atmosphère très humide, très fraîche voire très froide et assez sombre.
Scierie, forge, moulin à moudre le blé et à battre le chanvre ont profité de la force motrice de la rivière...
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... qui ne sert plus aujourd'hui qu'à nos loisirs nautiques et à produire plus bas un peu d'électricité.
Juillet 2015 - Usine électrique au sortir des Gorges de NOUAILLES
En 2015, une fréquentation touristique de quelques centaines de personnes est régulière aux beaux jours. A cette saison, le dernier bâtiment, vestige d'anciennes activités, est ouvert chaque jour, présentant un diaporama instructif qui mériterait toutefois de meilleures qualités de présentation.
Juillet 2015 - Source de la LOUE
Et en 1901, que s'est-il passé qui ait modifié, non pas le cours de la rivière, mais la conception qu'on en avait jusqu'à lors ?
Le Dimanche 11 août 1901, un violent orage s'est abattu sur la ville de PONTARLIER au bord du DOUBS à 10 km de là.
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A 12h20 la foudre frappe le dôme central de l'usine PERNOD fils.
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L'embrasement est instantané. Dans l'usine quasiment vide, l'alerte est donnée par l'épouse du directeur au gardien qui a la bonne idée, afin d'éviter l'explosion, d'ouvrir et de laisser s'écouler 600 000 litres d'alcool et d'absinthe à 72° dans un puits perdu conduisant à la rivière DOUBS.
Le DOUBS servit donc gracieusement l'apéritif à la population ainsi qu'à un régiment de piou-piou en garnison qui y plongèrent. Ce jour-là l'absinthe s'est bue, non pas au verre avec cérémonial, mais par casques remplis sans chichis, et ce, jusqu'à BESANÇON dit-on !
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"Et alors..." me direz-vous, "... que vient faire la LOUE dans tout ça ?"
Eh bien, 2 jours plus tard, ce sont les poissons de la LOUE qui se retrouvèrent pompette à l'absinthe, révélant ainsi que la LOUE n'était qu'une résurgence du DOUBS, pour partie au moins. Quelques jours plus tard, ce fait fut confirmé par la fluorescéine d'Edouard-Alfred MARTEL l'inventeur de la spéléologie et Eugène FOURNIER spéléologue franc-comtois.
Cette histoire du mois d'août 1901, caniculaire ou pas, au delà d'un accident industriel sans autre conséquence qu'une reconstruction d'usine, prête à rire...
Sauf qu'elle attestait déjà à l'époque de l'extrême complexité des réseaux d'écoulement d'eau dans la roche calcaire et des précautions sanitaires à prendre : tectonique des plaques, plissements jurassiens contrecoup de la formation des Alpes, érosion glaciaire, dissolution chimique, formations karstiques, dolines, éboulements de grottes et de gouffres... ont contribué à façonner le relief de reculées jurassiennes...
Panneau d'information reculées jurassiennes
... entaillant profondément des plateaux bien plus troués que le fromage de Comté, favorisant ainsi la création d'un réseau hydrographique pour le moins échevelé et mystérieux.
Quelques mois plus tard, en février 1902, MARTEL et FOURNIER réussirent à interdire par la force de la loi l'abandon de cadavres d'animaux et de rejets putrescibles dans les grottes.
Entre PONTARLIER et la "source" de la LOUE, à CHAFOIS se trouve le gouffre de JARDEL aujourd'hui grillagé et interdit. Ce gouffre, de 128 mètres de profondeur, est tristement réputé pour avoir reçu les cadavres d'environ 1500 animaux morts du typhus durant la guerre de 1870. Comme si cela n'avait pas suffit, en 1923, un stock de 3000 tonnes d'obus de la première guerre mondiale y a été déversé. L'eau du fond de ce gouffre, entre 1 et 20 m de profondeur selon la saison, arrive à l'air libre à la source de la LOUE en 24 heures.
Charles DOMERGUE au Gouffre de Jardel en 1935 (wikipédia)
Constatant qu'aujourd'hui on s'interroge toujours sur la maladie et la mortalité d'espèces endémiques de la LOUE, pour préserver la santé de tous, humains et poissons, pour un soupçon de bonne humeur anisée, ne serait-il pas indiqué d'aseptiser l'eau de la rivière en laissant à nouveau fuir un peu d'absinthe des cuves de PONTARLIER ?
On dirait qu'ça s'rait juste p'tit coup de baguette magique de la "fée verte" ! Hips !
© F6
Juillet 2015