Qui suis-je ? (4)
Cliché du 9 mai 2015 sur les flancs de Rouquette
Qui suis-je :
- une variété d'iris aux pétales allongés et pointus...
- un papillon qui tire la langue...
- une fleur d'asperge violette...
- une libellule apprentie tombée dans un bol de teinture...
- une coiffe de "Blubell girl" du Lido...
- de la moisissure de guimauve...
- une attention-clin d'oeil pour Perles de Loire alias Alroga ?
Rien de tout cela, mis à part la dernière proposition... Mais encore ? Et puis d'abord, où donc ?
Le bourg à 180 m d'altitude et le village à 313 m, sont situés dans les "basses Cévennes calcaires" du Gard, là où, tout juste sorti de terre, coule et déjà se fâche dangereusement le Virdourle court fleuve côtier. Il faut dire qu'on est ici tout juste à la porte d'entrée des grandes vallées cévenoles schisteuses, réputées pour leurs orages.
Ce pays est "riche", riche de multiples dénominations selon l'étendue concernée et le point de vue :
- "Basses Cévennes calcaires", par opposition aux "Hautes Cévennes granitiques" auxquelles elles sont reliées par les "Cévennes schisteuses", concernera le naturaliste, le géologue curieux de la formation, du relief et de la nature des sols, de leurs empreintes diverses sur les activités humaines,
- "Vidourlenque", si l'on considère le cours de ce fleuve et la province romaine. Aujourd'hui ce terme semble plus investi par le sud du court du Vidourle, la tauromachie, la fanfare, la restauration.
- "Pays cigalois", s'appliquera aux environs proches du bourg de SAINT HIPPOLYTE DU FORT dont les habitants sont encore nommés aujourd'hui "cigalois et cigaloises". Deux légendes autour de la cigale insecte chantant, et une interprétation sémantique de la céréale seigle, leur valent ce nom.
- "Cévennes - Garrigues", a regroupé 15 communes, soit plus de 8 000 habitants en communauté administrative de 2003 à 2013,
- "Piémont Cévenol", depuis 2013, ce nouveau découpage qui fait chanter les cigalois, rassemble aujourd'hui plus de 20 000 habitants en Communauté de communes.
Ce pays est "riche", riche d'une terrible histoire mouvementée par un nouvel épisode de guerre de religion. Guerre des Cévennes, ou révolte des camisards, protestants chassés, déportés, convertis par la volonté absolue du roi Louis XIV ; SAINT HIPPOLYTE voit bâtir un fort en 1689 d'où partiront de funestes dragonnades.
Ce pays est "riche", riche d'activités, de productions économiques et agricoles éprouvées par le temps, par l'économie mondiale et parfois la maladie. Ainsi laine, soie, cuir ont été produits et transformés localement, complétant des activités agricoles diversifiées. Les maladies auront, à des degrés divers, éprouvé la chataîgne, le vers à soie et la vigne.
Sur la route de COLOGNAC à SAINT ROMAN DE CODIERES
Sans doute est-ce la viticulture qui aura résisté le mieux.
Du cuir, ne reste "sur la sellette" que la fabrique de chaussures de travail "Jallatte" à SAINT HIPPOLYTE. Des filatures industrielles, on ne trouve plus que que les sous-vêtements "Eminence" à SAUVES, s'en sortant semble-t-il mieux que les collants "Weill" à LE VIGAN.
Mais ce pays est riche aussi d'une forme de résistance, ou d'engagement militant artisanal, artistique, agricole... Ainsi trouve-t-on des agriculteurs bio, organisés pour la commercialisation locale de leurs récoltes et des productions traditionnelles maintenues, voire se développant à nouveau comme l'oignon doux des Cévennes, ou bien les dérivés de la chataîgne.
Du village voisin de MONOBLET et de Michel COSTA son instituteur de l'époque, sont partis au début des années 1970 recherches, expérimentation pour le maintien et le renouveau d'un peu d'activité séricicole et de filature dans la région.
Extrait du livre "Les chemins de la soie" - éditions "Espace écrit" 1993
Aujourd'hui encore, le Musée de la soie me disait dernièrement être livré en "graines" (oeufs) de vers à soie par Michel COSTA.
Extrait du livre "Les chemins de la soie" - éditions "Espace écrit" 1993
Sur la route qui mène à MONOBLET, on trouvera probablement le dernier atelier cévenol de tissage et de tricotage de soie à GREFFEUILHE : Soieries des cévennes.
Un maillot à encolure "en V" brodée à 99 €, un ensemble caraco et slip à 119 €, une cagoule de motard à 37 €... attestent qu'il s'agit là de sous-vêtements peu ordinaires.
Extrait du livre "Les chemins de la soie" - éditions "Espace écrit" 1993
Qui dit vers à soie, dit obligatoirement mûriers replantés à MONOBLET pour les besoins locaux.
Les mêmes mûriers de MONOBLET en avril 2012
Très rapidement au nord, en direction des vallées cévenoles schisteuses, les sommets approchent l'altitude de 1000 m.
Vue en direction de l'AIGOUAL depuis le sommet de Rouquette à 524 m
Mais sur l'axe SAINT HIPPOLYTE DU FORT / MONOBLET, il faut se contenter de 3 ou 4 sommets calcaires bien plus modestes, rocailleux et escarpés, dont deux très proches sont baptisés "Les jumelles". C'est en redescendant de "Rouquette", le plus élevé des deux, que je croiserai notre inconnue du jour.
Vue sur le sommet de la "deuxième jumelle", "St Chamant" en direction de MONOBLET depuis celui de Rouquette
Notre inconnue était là sur les flancs de Rouquette en direction du col de l'Aubret, fièrement dressée comme une sentinelle violacée barrant le chemin, ou ce qu'il en reste.
Inconnue élancée et violacée - mai 2015
Avant que le pays cigalois ne soit administrativement déclaré en état de catastrophe naturelle, les fortes pluies de septembre 2014 auront raviné les sentiers qui se sont transformés en véritables torrents. Huit mois plus tard et une fois passé l'hiver, la marche y est toujours très inconfortable et le chemin peut même être creusé par endroits de véritables fosses. Substrat lavé, rincé, décapé, décaissé par les pluies, notre inconnue a tout de même trouvé les moyens d'y pousser.
Limodorum Abortivum , ou Limodore à feuilles avortées car tel est son nom, fait partie de la grande famille des Orchidacées. Elle met en oeuvre des particularités nutritionnelles complexes : on la décrit "saprophyte", soit capable de se nourrir de matière organique en décomposition ; certains, observant ses racines soudées à celles d'arbustes ou de plantes la considèrent commensale ou parasite ; mais, contenant de la chlorophylle, Limodorum Abortivum serait bien aussi capable de synthétiser de la matière organique par photosynthèse... Gilbert dans son fleurier qualifie Limodore à feuilles avortées de "hippie" en raison de sa couleur, et de "SDF" par sa localisation irrégulière et alléatoire !
Tout de même, la "Blubell girl" meneuse de revue du Lido la tête coiffée de Limodorum Abortivum, ça serait bien plus original que d'un diadème en toc. A moins qu'en protubérance caudale Limodorum ne soit aussi du plus bel effet !
F6
mai 2015