Le r'venant vivant

Continuons notre promenade dans les "chansons bourguignonnes du pays de Beaune". Souvenons-nous qu'elles ont été harmonisées par Maurice EMMANUEL qui termina ce travail en 1913, alors que deux années plus tôt en 1911 disparaissait son complice collecteur Charles BIGARNE .

Charles BIGARNE n'aura donc pas eu le bonheur d'écouter le premier récital de ces 30 chansons par la cantatrice grecque Spéranza CALO-SEAILLES, dirigée par l'auteur Maurice EMMANUEL lui-même en 1913.

Le plaisir d'écouter ces chants, Charles BIGARNE l'avait trouvé auparavant, ailleurs, dans leurs versions "brutes de raisin", dans les rangs de vignes. Voici l'éloge que dresse Maurice de son ami Charles : "Il avait une parfaite oreille, et, dénué de science musicale, il eût rendu des points, pour la justesse de la voix et la sûreté de l'intonation à maints professionnels.(...) Au temps de la vendange, quitte à négliger la surveillance de ses propres récoltes, il était à l'affût tout le jour, peut-on dire, épiant à travers vignes les voix des Beuquions* de l'arrière-Côte et de l'Auxois, les voix des Laillots* du Morvan, de tous ces vendangeurs qui s'abattaient en essaim sur la Côte et mêlaient leurs chansons à celles de nos vignerons."

*Beuquins, ici Beuquions est le terme, probablement un peu méprisant, employé par les cultivateurs du pays de BEAUNE qui se servent exclusivement de chevaux, à l'égard de leurs collègues descendus pour l'occasion des vendanges de l'arrière-Côte ou de l'Auxois plus éloigné. Dans ces régions d'élevage bovin, on fait travailler les boeufs (et les vaches).

*Laillots est le "sobriquet" donné aux morvandiaux, ces gens du Morvan dont on disait encore à l'époque qu'ils descendaient des Huns taciturnes et froids comme leurs montagnes.

"Et toi, d'où don qu'tu viens" demande le vigneron ; "D'là hiaut" (de là haut) répond le morvandiaux...

Ce que pouvaient voir les Beuquions et les Laillots en descendant de leur arrière-Côte, de l'Auxois, ou du Morvan, pour venir prêter main forte et gagner quelques sous en vendanges - pays "entre vignes et vaches", depuis la montagne du Single au dessus de MAVILLY-MANDELOT, vue en direction de la Côte des vins le 22 mars 2015 (BEAUNE droit devant) 

Après Le veigneron complainte "professionnelle", 

ç'ast les gens de Bouze facétieuse et moqueuse,

Lai treue guéreille innocente et coquine,

et La mère Godichon moqueuse et scatologique,

voici familliale et probablement guerrière...

En chemin vers MAVILLY-MANDELOT depuis la Montagne du Single

Le r'venant vivant

A mon s'cours, mes enfants !
Rentrons ! Il est temps ;
D'frayeur me v'là morte !
V'là Simon, not'grand gas,
Qui r'vient du trépas
Et nous tend les bras...

MAVILLY-MANDELOT - en descendant de la Montagne du Single

C'est ben lui, voyez-vous !
Sauvons nous tretous,
Fermons ben lai porte !
Toi, pour le renvoyer,
Prends vit'ton psautier,
Moi, not'bénitier ! 

 Pan ! pan ! ouvrez-moi don,
J'suis vot'gas Simon
Qui r'vient d'Angleterre :
Me trouvant mal là-bas,
Je r'viens à grands pas ;
N'vous sauvez donc pas !

Anémone pulsatile (aussi nommée "cancoin" dans le pays de Beaune, tout comme le hanneton - va savoir !)
Montagne du Single 

C'n'est pas la vérité !
On m'a apporté
Ton act'mortuaire.
C'qu'est écrit est écrit,
Mets-toi dans l'esprit
Qu't'es mort, c'est fini !

 - Je n'suis pas mort un brin,
Et je n'suis enfin
Ni r'venant ni diable.
Avec vous sans tarder,
Pour vous rassurer,
J'vas boire et manger.

- Non ! va-t-en, mon enfant,
D'main tu s'ras content :
Car dès d'main, j'te l'jure,
Pour adoucir ton sort,
J'te ferai dire d'abord
Un service de mort.

Chaton de saule marsault

 - Un service ! Vous rêvez !
J'savais ben qu'vous m'preniez
Pour un autr', ma mère !
Je n'suis pas un r'venant,
J'suis vraiment vivant :
Simon vot'enfant.

Violettes ou pensées ?

 - Si c'est vrai qu't'es vivant,
Entre, mon cher enfant,
Viens don t'mettre à table,
Manger et m'rassurer,
Car j'sais ben qu'là-bas
Les morts ne mang'pas ! 

Fleurs de cornouiller

- M'voyant si mal reçu
Tout surpris j'ai cru
Qu'vous perdiez la tête.
Je n'savais pas pourquoi
J'vous voyais d'bonn'foi
Prier Dieu pour moi.

Anémone sylvie

 Là-d'sus j' m'en va m'asseoir ;
Ben heureux d'les voir,
V'là que j'casse la croûte :
Embrassez-moi tretous.
Bon Dieu, qu'il est doux
De m' voir avec vous ! 

 - C'tour là, mon pauv' garçon,
Me donne une leçon :
Je n's'rai pus si bête.
J'te promets, mon enfant,
Qu'je n'croirai maint'nant
Qu'aux r'venants vivants !

¤¤¤¤¤ 

Peut-être aurez-vous remarqué quelques similitudes avec l'Affaire Martin GUERRE ayant inspiré le film de Daniel VIGNE "Le retour de Martin GUERRE". Bien que l'on ne sache pas précisément pour quelle raison Simon a séjourné en d'Angleterre, il est permis de supposer sa présence sur l'un des nombreux champs de bataille franco-anglais des siècles passés.

Massacre à la broyeuse de nos haies et bouchures

La chanson est écrite en français et ne remonte qu'à la fin du 18ème siècle. Charles BIGARNE nous confie avoir été bercé de nombreuses fois sur les genoux de sa marraine à la mélodie de cette chanson. Le texte, même avec une issue heureuse, reste plutôt "morbide" ; mais la mélodie doucement fredonnée peut tout à fait prendre la tournure d'une berceuse.

Coucou, petite primevère préférée des enfants

Toutes les photos de cet article proviennent d'une balade d'hier 22 mars 2015 "entre vignes et vaches", pratiquement chez les "beuquions", entre MAVILLY-MANDELOT, MANDELOT, La Bâche et BOUZE-LES-BEAUNE.

Mais, "Le r'venant vivant" de ce 22 mars 2015, c'était bien le printemps et ses fleurs précieuses et courageuses, sur l'air d'une chanson bourguignonne du pays de BEAUNE trottinant dans ma tête.

Pour écouter, c'est ici : Le r'venant vivant (fichier .wma "windows média", à enregistrer et écouter avec le lecteur dont dispose votre ordinateur)

(NB - cette seule version enregistrée disponible dans le commerce est celle du Choeur régional de Bourgogne en 1996 sous la direction de Roger TOULET - les interprétations font "bel canto", probablement dans l'esprit de la création en 1913)

F6

mars 2015 

Comments

[foise en savoie]

Ok c'est bien la pulsatille commune, pulsatilla vulgaris. J'ai besoin de photographier un sujet fané, les stigmates accrescents, persistants et plumeux forment un toupet.

Je voudrais faire coïncider un déplacement contraint et nécessaire à Dijon avec cette observation.

Bigarne ça me dit quelque chose... Mais oui, mais c'est bien sûr, c'est le nom du cheminot qui dirigeait le groupe du mardi dans les années 90. Il se prénomme Jacques.

[Lannic]

Moi aussi je joue au r'venant puisque j'avais raté cette publication du fait de quelques soucis "mécaniques".

Une balade bien fleurie et colorée à défaut d'être ensoleillée.

Petit faible pour celle des anémones pulsatiles

Dommage que la dernière ne soit pas visible en grand format.

[lavandine]

Ici c'est à dire en côte d or pas d anemones mais des primevères à foison.

Manquait juste le soleil les 3 premiers jours.

Bon lundi. Bisous

[Alroga]

Bon, ici, pas pu écouter la chanson, en revanche j ai vu une palette de couleurs incroyable! Ce petit coucou tout seul me fait de l œil tu penses bien! Toutes ces fleurs me plaisent, en particulier l anémone qui est seule elle aussi et ces fleurs jaunes dans l arbuste. Quand au chaton de saule, je suis presque jalouse, j aurais aimé prendre cette photo! Il doit y en avoir par chez moi, faut que j ouvre l œil!

Ta balade devait être fort agréable, en plus, si tu as fredonnė tout le long du chemin!

L histoire ne nous dit pas de quel animal est cette mâchoire mais ce devait être une bête déjà bien imposante, brrrrrr.

Bonne soirée Francis

[Pauline]

Reus'ment qu'l'avait faim, l'gars !

Bisous.

Pauline