Têtes de troncs
Non, il ne s'agit pas de parler des affouages qui offrent aux plus courageux et bien équipés d'entre nous de faire provision de bois de chauffage avec les têtes de grands arbres abattus pour leurs fûts...
Juste une petite sieste dans les Cévennes, avant de reprendre le chemin caladé du Valat de Nogaret.
Vue depuis la montée vers la borne d'Aygues Bernesse
Les rêves perdus dans les paysages de la veille, enveloppé de la douce chaleur automnale qui autorise un repos quelque peu prolongé moyennant un bon pull, des voix chuchotées me parviennent...
- Ouh là là ! Les gars, secouez-vous, regardez, y'en a un qui pionse là, juste là dans un creux du talus sur un lit de feuilles...
- Qu'est-ce qu'il fait là celui-ci, ça fait bien plus d'une centaine d'années qu'on nous fout la paix ?
- Te bile pas ! Y sont pas prêts de revenir. Lui, c'est un inoffensif, un bucolique, un rêveur, un costaud, mais qui f'rait pas d'mal à une mouche.
- T'es sûr, y'a rien à craindre, pas de tronçonneuse, de sécateur ou de scie cachés dans le sac ?
- Bah non, y r'viendront pas : trop bêtes, trop paresseux, et puis ici, c'est trop difficile.
- Eh, les gars, on va lui foutre une trouille que, sûr, y r'viendra jamais !
Un courant d'air, un écureuil, un nuage et son ombre plus fraîche... je ne sais ce qui me réveille... Plus rien ne bouge après le coup de vent dans les feuilles mortes. Tout est en ordre autour du sentier caladé. Le vieux tronc de châtaignier dominant le château de Nogaret, veille comme une sentinelle sur ma sieste, sur le chantier rythmé des coups de marteau et des traits de scies des charpentiers.
500 000 tonnes produites en France à la fin du 19ème siècle.
11 000 tonnes produites aujourd'hui dont la moitié en Ardèche, 1 400 dans le Gard et la Lozère.
10 000 tonnes importées principalement d'Italie...
Nous avons marché dans un épais tapis de feuilles et de bogues de châtaigniers, crissantes et craquantes, aussi doux que la neige poudreuse verglacée.
Nous avons marché sous une voûte de feuilles de châtaigniers jaune d'or éclairant nos sentiers d'emprunt.
Nous avons rempli nos poches de châtaignes rebondies.
Nous savourons encore aujourd'hui cette saveur cévenole grillée dans la cheminée, toujours riche des paysages il y a peu embrassés.
Hameau du FOLLAQUIER sur son piton (superbes gîtes à louer)
Le paysage forestier que nous contemplons était tout autre il n'y a qu'une centaine d'années. Bien avant, l'essor démographique des Cévennes au 16ème siècle a vu l'apogée du châtaignier. Partout où sol, climat et altitude le permettaient, il a pris la place de la forêt. Planté, taillé, greffé, soigné, ordonné en véritables vergers, "l'arbre à pain" a nourri hommes et animaux. Les cévenols sont nés dans un berceau de châtaignier et mis en terre dans un cercueil du même bois. Généreux, il a donné ses fruits, ses feuilles, ses branches, son tronc et tant de travail. Puis petit à petit trop de travail, de plus en plus ingrat, peu rémunérateur, ici livré à l'abandon et à la ruine, ou presque.
Quand des montagnes jusqu'aux plateaux
Les arbres perdent la verdure
Dans les branches le vent murmure
La complainte des châtaigniers.
Qu'il fasse froid, qu'il fasse chaud
Si même la pluie vous mouille
Allez ramasser la châtaigne
Pour nourrir l'homme et le bétail.
Auguste MARANDA - maire de St Germain de Calberte 1922-1931
(accroupi à droite)
En bordure de SAINT ANDRE DE VALBORGNE, rénovation en cours...
F6 - novembre 2012