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En balade, né au vent
15 février 2014

Patapic ou le chemin de l'école

Histoire…d’école.

Dans la famille de Patapic, il y avait déjà six enfants. Seuls trois d’entre eux, dont Patapic, ont eu besoin de plus de temps et d’astuces pour aborder les choses compliquées que sont la lecture et le calcul. Ça : prendre du temps et passer par des détours, ça se fait dans les classes comme celle du maître à l’effectif allégé et aux pratiques pédagogiques « tout terrain ».

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Juste pour s’assurer que tout va bien, le directeur de l’école passe la tête dans l’embrasure de la porte de la classe et interroge le maître du regard. Quelques élèves se lèvent par politesse, d’autres, déjà à leurs affaires  scolaires n’ont pas remarqué la discrète intrusion. Patapic, objet de cette attention, dort dans ses bras sur sa table d’écolier. D’un signe de tête en direction de l’enfant endormi et d’un pouce discrètement levé, le maître informe et rassure le directeur. Aujourd’hui au siècle suivant, en pareilles circonstances ça ne se serait pas passé comme ça. Au lieu de dormir sur sa table, Patapic serait entre les mains de la médecine.

Les parents : pas de téléphone..., le 15 : inutile, coudes et genoux, dos et tête, tout bougeait bien, sans dommage ou douleur apparente avant que l’enfant ne s’assoupisse rapidement sur sa table d’écolier. 

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Dormir sur sa table d’écolière après le repas c’était assez habituel chez sa sœur, mais pas du tout chez Patapic, bien au contraire. Lorgnant en douce sur l’horloge, le garçon voit approcher les heures de récréations et de sorties. Il frétille d’avance sur son siège, gicle de la classe, trépigne dans le rang, dévale l’escalier, bouscule aux toilettes pour arriver premier dans le secteur de la cour de récré le plus favorable au foot de fortune, ou aux glissades d’hiver verglacé. Le territoire est alors réservé, marqué de la présence triomphante de Patapic les bras levés. Les copains n’ont plus qu’à arriver… et les autres à aller voir ailleurs ! Si le secteur est contesté, convoité par une équipe rivale, Patapic prendra l’air ombrageux et menaçant, tentant de tenir bon de pied ferme le plus longtemps possible, espérant l’arrivée de "sa bande". Toute convoitise écartée au passage de la ruée toniturante des copains du quartier, le jeu peut commencer.

A ce tout premier pari de la préservation du territoire, Patapic ne gagne pas à tous les coups, ça dépend aussi de quand, de qui, de combien… dans un sens... ou dans l'autre. 

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Le directeur referme la porte de la classe rassuré. Le travail reprend son cours dans un calme tout de même inquiet. Faut pas réveiller Patapic…, mais chacun jette quand même un œil à son tour sur le copain qui dort.

Était-t-il arrivé dans la cour de récréation avant, ou après la clameur ? Était-il arrivé dans la cour de récréation avant, ou après le voisin ? Nul ne peut répondre avec certitude, pas même la maîtresse de service au portail.

Sa conscience professionnelle de petit écolier avait-elle pris le dessus sur celle d’avoir fait une bêtise ? Sonné, était-il arrivé là par réflexe ? Poursuivi, s’était-t-il réfugié à l’école ? Nul ne sait vraiment. Toujours est-il que Patapic est là, caché derrière la haie de lauriers du fond, observant les gestes et imaginant les explications du voisin, interprétant les interventions bruyantes des copains à la fois admiratives, rigolardes, et tout de même inquiètes.    

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Le « quartier », c’est une seule longue rue en épingle à cheveux à un gros kilomètre de l’école, où les familles originaires des anciennes colonies françaises cohabitent avec quelques « gaulois » dans des bandes de logements mitoyens à deux niveaux. Aucune n’est fortunée. Toutes partagent le bruit, les fêtes et les gâteaux d’un quartier très populaire. Les enfants sont nombreux, garnements facétieux au milieu desquels Patapic avait acquis tout petit une notoriété de « tête brûlée ».

Pensez-donc : il devait être encore à l’école maternelle quand des grands, au lieu d’une cigarette, lui avaient glissé un pétard entre les lèvres... un pétard avec une mèche qu’on allume et qui explose s’entend ! 

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Le voisin courageux n’a pas tout vu et n’a pas tout su, mais il arrive là au milieu de la cour, guidé et accompagné par la clameur des gosses, expliquant d’urgence au maître l’accident du garage. C’est d'ailleurs peu après le garage que la bande d’enfants était devenue clameur s’amplifiant et bousculant. Ils ont tout vu... ou presque.

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Ce jour là, après manger, Patapic retrouve les copains. Ceux du pétard n’en sont pas, plus âgés ils ont pris la direction du collège. Restent devant la barre de logements, la bande de l’école footballeurs de fortune et patineurs divers, la réputation de tête brûlée de Patapic, ses défis, ses bravaches, sa gentillesse, et quelques fillettes innocentes.

Qui eut l’idée ? Nul ne sait, d’un copain ou de Patapic !

Tous ont pris le chemin de l’école, mais pas par le même chemin. Les garçons comme d’habitude suivent les trottoirs et les rues calmes, tandis que Patapic démarre en escaladant la première clôture venue, marche sur les murets, change de propriété grâce aux poteaux électriques, retrouve cabanons de jardin ou local poubelle, bref…, sans mettre un pied au sol du quartier à l’école. Sans mettre un pied au sol du quartier à l’école… ou presque. D’abord, il a bien fallu traverser quelques rues sur ce chemin d’un bon kilomètre aérien. Puis arrivé à près de trois cents mètres de l’école, perché sur le mur surplombant l’alignement de garages de la Résidence des Mésanges, Patapic doit retrouver le sol par le poteau électrique. Il saute alors sur le toit de fibrociment du garage…

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     - M'sieur, m'sieur, Patapic il est tombé, il a cassé le garage…

     - J’allais au travail quand j’ai entendu un grand bruit vers les garages…

     - M'sieur, m'sieur, Patapic y s'cache, on sait pas où qu’il est...

     - J’ai eu peur qu’il se soit fait mal, y’avait des clous sur les chevrons et puis aussi... tomber sur le dos...

     - M'sieur, m'sieur, il est tout venu du quartier par les murs…

     - Allez me le chercher…

     - Alors je me suis précipité, il s’est redressé d’un bond, m’a vu et a filé ses jambes à son cou… j’espère qu’il n’a rien !...

     - M'sieur, m'sieur, y s'cache, y dit qu'y veut pas v'nir...

Enfin arrive Patapic, extirpé de sa cachette encore chancelant, encadré, soutenu penaud par deux garnements gardes du corps. Le garçon peine à trouver les mots justes et vrais, tente de mouiller les copains, mais le trou dans le toit et le voisin témoin étant bien là incontestables, Patapic finit par mouiller ses joues de larmes. On l'a connu plus triomphant !

Voisin rassuré, affaire "élucidée", le directeur siffle, les rangs se forment, les classes montent... 

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Le garage, heureusement ouvert ce jour-là, mettra un peu plus de temps à réparer la blessure de son toit que Patapic, arrivé à l'école sonné mais indemne... et très escorté.

Popularité apaisée, calme revenu, la bande de copains tape le foot de fortune dans son bout de cour sans Patapic. Patapic est là assis, encore abasourdi, sans doute craignant des suites à son aventure, peut-être bien auto-puni affichant la tête basse du repenti. La récré de milieu d’après-midi s’étire calmement, un peu rallongée, beau temps oblige.

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Le gars me tape sur l’épaule.

     - Salut maître, tu vas bien ?

     - Ouais… salut, content de te voir, et toi…

     - J'fais le maçon…, j’habite pu l'quartier mais au village…, j’ai deux filles…

     - Et tes parents ?

     - Toujours au quartier… à la retraite… on va au bled l’été… on a construit une maison…

     - Et ton frère Patapic ?

     - Ben… là, y r’peint la Tour Eiffel… 

     - !!!

     - Et pis avant il était à la montagne, tu sais, là où ça s’est cassé la gueule les rochers…

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Patapic vit et travaille encore souvent en l’air, mais cette fois, bien assuré.

F6 – février 2014

Pour les curieux : le jacquemart a été photographié hier à l'occasion d'un déplacement professionnel. De retour dans cette école élémentaire d'une petite ville des bords de Saône, cette fois je n'ai pas oublié mon appareil photo - Le bien public - 19 décembre 2012 - à l'heure du jacquemart

NB - Aucune des illustrations de cet article n'a un lien direct avec son héros "Patapic" ainsi surnommé uniquement pour les besoins d'anonymat. Il n'a jamais été écolier à l'heure à l'école de ce jacquemart où on doit tout de même bien trouver quelques "Patapic". Y'avait aussi de disponible Patacol, ou Patafix, mais ça, c'est déjà pris, Patapouf non, ou alors Pataplouf... - au départ "Pattes de lézard" était prévu, mais trop long !

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Commentaires
A
Un petit bonjour pour te remercier de ton com et te souhaiter : "Bon courage " ainsi qu'à tous les Patapic .Amicalement <br /> <br /> Nicole
M
Bonjour Francis, <br /> <br /> ...juste un p'tit coucou en passant!<br /> <br /> Bisous du jour de Mireille du sablon
E
Au plaisir des mots, de tes récits qui chaque fois nous ravissent. Contente de te lire à nouveau et surtout d'avoir un peu de temps pour le faire. Bisou à tous les deux.
M
...ça y est, j'arrive à venir chez toi directement, ouf sinon il me fallait partir tôt de la maison (je plaisante, bien sûr!)<br /> <br /> Merci pour ton commentaire du jour, tu auras toutes les réponses...demain!<br /> <br /> Gros bisous de Mireille du sablon
M
Il est vrai que nous avons été longtemps occupé par le pays voisin, ce qui explique les mots utilisés dans le patois local. <br /> <br /> Je n'arrive pas à aller chez toi en "passant" par ton prénom dans le commentaire, j'y arriverautrement....<br /> <br /> Bon w-end, gros bisous de Mireille du sablon
En balade, né au vent
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"Mais en maniant la hache et le passe-partout, j'ai laissé vagabonder mon âme dans l'espace chaud et parfumé, et elle est revenue riche d'une récolte inestimable."
Henri VINCENOT
En balade, né au vent
  • Nez au vent, l'oreille en coin, les yeux curieux, en balade à vélo, à pied, ici et là. Mise en mots, illustrations : F6. Quelques emprunts autorisés, signalés par un lien vers leurs origines. On peut aussi emprunter, en demandant, c'est plus poli.
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