La Mère Godichon
Après "Le Veigneron" et "C'ast les gens de Bouze" , la première historique, la seconde moqueuse, je vous vous présente aujourd'hui "La mère Godichon" scatologique.
Terroir à Grands crus au crépuscule - PULIGNY MONTRACHET
Je devrais plutôt écrire "notre" mère Godichon à nous autres Bourguignons du pays beaunois, puisqu'on trouve deux textes totalement différents portant le même titre.
Au pays des "vins à chanter", le travail de collecte réalisé par l'archéologue-historien-écrivain beaunois Charles BIGARNE et d'harmonisation des chants par Maurice EMMANUEL aboutit à tout autre chose qu'un simple carnet de "chansons à boire".
Certes, entonnées par toute une assemblée en fin de repas, ou par "tonton Raymond" soliste égrillard, ces chansons pourraient passer pour telles.
Et l'esprit embrumé par l'alcool d'y entendre "god...", "...ichon"..., de s'accrocher aux coudes de ses voisins en se balançant en cadence de droite à gauche, de vider son verre "églou églou églou églou..., iiiiil est des nôôôô-ô-tres, il a bu son verre...".
Pourtant, rares sont celles parmi ces "30 chansons bourguignonnes" qui chantent le vin. Toutes évoquent des faits, des us et coutumes, des anecdotes, la vie des gens, la vie des bêtes...
En cela ces chants sont aussi d'un tout autre intérêt que le traditionnel "Joyeux enfants de la Bourgogne" écrit pour boire et pour chanter (et qu'on m'a fait apprendre par coeur à l'école en classe de CE2... mais c'était en 1966).
La Mère Godichon
La mère Godichon a fait un étron
Qui pesait cinq quarterons.
La Justice l'a pesé
Et le poids le poids, et le poids le poids,
La Justice l'a pesé
Et le poids ne s'y est pas trouvé.
La mère Godichon a répondu
J'ai encore la crotte au c...
La Justice a repesé
Et le poids le poids, et le poids le poids
La justice a repesé
Et le poids s'y est trouvé.
"La mère Godichon" au premier abord sans grand intérêt, qualifiée de fantaisie scatologique ou de facétie, apparaît plutôt comme une brève saillie :
- satire de la justice... (mais de quoi s'occupe-t-elle ? Combien de temps ça lui prend !)
- et moquerie à l'égard du justiciable encombrant le tribunal pour ses litiges de rien... pardon, de poids !
Voici donc qui rendrait "La Mère Godichon" tout à fait complémentaire de "C'ast les gens de Bouze" se gaussant des "sargents" et du "peursident".
Nonobstant l'apparente scatologie derrière laquelle se cacherait donc un propos plus ambitieux, le texte est bien écrit, rythmé, équilibré et chantant.
Au sujet de "notre" mère Godichon, Charles BIGARNE écrit :
... personnage historique dans le pays beaunois. Je ne sais pas si elle a réellement existé. C'est peut-être un de ces types de bouffons créés par l'imagination gouailleuse de nos pères pour se gaudir. On dit familièrement à un enfant boudeur et criard : " aittends voi ! i vas te fâre chanter lai meire Godichon " ; en bon français : je vais te corriger. Cette chanson est une des fantaisies scatologiques qui amusaient beaucoup nos grands pères : on la chantait sur l'air : Guillot, prends ton tambourin. Cet échantillon suffira !...
Voici donc qui laisse planer un doute : Charles BIGARNE s'est-il autorisé à "censurer" la rengaine ? Cela serait fort dommage.
D'autant plus dommage que l'autre chanson portant le même titre écrite par Gustave NADAUD et moins ancienne, est bien plus étoffée, "universelle", évoquant la Flandre et la Provence, le Bordelais et l'outre Rhin.
En attendant, qui saura me dire si la mère Godichon figurant là au milieu de tant de célébrités...
... est bien la nôtre...
... la beaunoise à la crotte au c... ?
F6 - février 2014
(photos de Puligny Montrachet et de Clavoillon dont on reparlera prochainement avec "Les feills de Clavoillon"