TDF 17 - Le long de la Manche et de la Mer du Nord

Jeudi 7 août 2008 - (HONFLEUR - Pont de Normandie - LE HAVRE - ETRETAT - VAUCOTTES - FECAMP - CANY BARVILLE - SAINT VALERY EN CAUX - DIEPPE - CRIEL SUR MER - CRIEL PLAGE  //  175 km).

Départ 6h, arrivée 17h40. 

Passage au port d'Honfleur si fréquenté hier soir, et si calme ce matin. Pour un peu on resterait ici assis, le dos bien calé contre le muret d'un quai, à contempler la ville s'éveiller. Mais la traversée du Havre m'appelle et les renseignements pris hier soir au camping pour accéder au Pont de Normandie sont encore frais. Il y a bien le célèbre Pont de Tancarville, mais il impose un crochet relativement important. Ces traversées d'agglomérations complexes mériteraient d'être aussi renommées que les grands cols, non pour leur difficulté sportive, mais pour les capacités à se repérer et s'orienter que leur franchissement nécessite. Le couple de cyclocampeurs avec qui j'ai conversé hier soir garde un très mauvais souvenir de sa traversée la veille du Havre du nord au sud ; il semble qu'il n'y ait pas de panneau indicateur pour faciliter la circulation des deux-roues dans ce sens Le Havre - Honfleur. 

C'est sans encombre que j'accède au pied du célèbre ouvrage, juste une pointe de crainte aux grondements des chiens en longeant un "campement" de gens du voyage installé au pied du pont. "Chuuut, couchés les chiens, je ne fais que passer". Il faut toujours parler aux chiens, d'abord gentiment d'une voix rassurante, même avant l'éventuel déchaînement d'aboiements..., mais il est aussi sage de se préparer à fuir ou pire, à affronter ! La circulation est rare à cette heure et c'est une chance, car rouler sur la bande cyclable du pont à gauche, face aux véhicules, reste inquiétant. Seul cafouillage restant un point d'interrogation : si l'entrée sur le pont est facile, pour sortir, je me retrouve avec deux étages d'escaliers métalliques à descendre vélo chargé sur l'épaule ! J'ai dû manquer un panneau, à moins que je me sois engagé à contresens !

Me voici, passé le fleuve par le Pont de Normandie, comme dans la fosse nasale du nez que dessine Le Havre sur ma carte routière, petite crotte de nez chatouilleuse au milieu des poids lourds, des cargos, des grues et des ferries. Que la traversée soit "à mes souhaits" ! 

Un immeuble tour rectangulaire noir bordé de rouge se dresse devant moi à quelques centaines de mètres. Je baisse la tête pour scruter ma carte routière ; quelle surprise en la relevant : le bâtiment a disparu de mon horizon ! En fait d'immeuble peu plausible en ces lieux il s'agit de la chaussée de ce que ma carte nomme PM..., PM signifiant "Pont Mobile".

Encore tout fier de m'être extirpé de l'agglomération du HAVRE aussi facilement, j'oublierai le cachet sur mon carnet de route de la renommée ETRETAT. Par contre le café même tardif et la conversation avec la patronne seront appréciés. 

Souhaitons que la photo prise quelques km plus loin à VAUCOTTES suffise comme preuve de mon passage. Comme souvenirs du pays de Caux, je me contenterai de ces quelques villages aux vastes demeures bourgeoises de briques égayées de lignes de silex. La région est très vallonnée et je n'ai pas le courage de poursuivre le long de la côte sur la D79 dont on me conseille pourtant les paysages jusqu'à SAINT VALERY EN CAUX. J'ai déjà hâte de retrouver un peu de chaleur amicale à BRAY DUNES chez Dany dans deux jours, et  préfère la plus rapide rectiligne D925. 

En attendant, pour ce soir, il faudra se contenter de l'accueil glacial au camping de CRIEL PLAGE. J'y arrive usé et l'employée qui me refoule dans un premier temps, prétextant le manque de place (gros mensonge), finira par m'accorder le séjour après que j'aie argumenté. Voulait-elle me protéger d'une clientèle particulière ? Je débarque et m'installe comme au cœur d'une cité où ados et enfants capricieux, pour ne pas dire abandonnés pas élevés, règnent en maîtres. Shoot volontaire de ballon de foot sur la tente que je suis entrain de monter (11-12 ans), traversée en trombe de la parcelle d'un pitbull qui va d'un maître à l'autre (16-17 ans)... et en prime l'orage apporte sa note de tonnerre ! Les sanitaires sont squattés ostensiblement avec provocation et propos sexuellement outranciers. Les jeunes filles de 14 ou 15 ans ne sont pas en reste, bien au contraire : la meilleure défense étant l'attaque, elles sont les premières les plus grossières "prenant l'avantage" sur les monstruosités vulgaires et pornographiques des garçons. Cela laisse tout de même très inquiet sur ce qu'elles ont vécu, vivent ou vivront. De bien plus jeunes de 3 à 10 ans sont là au milieu, prenant parfois une invective, voire une beigne de grand. J'arrive le premier pour manger sur une table de l'abri près des sanitaires et ma présence s'impose donc au groupe qui s'installe après moi. Le téléphone mobile est leur jouet-outil favori, dispensant photos films musique et accessoirement appel de l'un ou bien à l'autre, soufflant le chaud puis le froid sur les relations adolescentes toujours bien compliquées. La vulgarité est à son comble, quelques jeunes semblent un peu préservés, mais il leur faut faire bonne figure aux yeux de leurs camarades vulgaires. L'odeur de mon camembert affiné solicite d'abord le flair, puis suscite interrogation, étonnement et commentaires. C'est bien grâce à lui que je peux nouer conversation avec quelques jeunes ; nous serons ainsi un peu moins étrangers !!! La nuit sera orageuse, rien ne sèchera, le pitbull et les ados ne parviendront pas à perturber mon sommeil profond.

Rétrospectivement je me demande si ce camping n'a pas été réservé et payé par un centre social, une association caritative ? 

Vendredi 8 août 2008 - (CRIEL SUR MER - LE TREPORT - SAINT VALERY SUR SOMME - RUE - CONCHIL LE TEMPLE - ETAPLES - BOULOGNE SUR MER  //  122 km).

Départ 6h15, arrivée 14h45 - une fois de plus je range mon campement dans un silence de voleur, juste pour ne pas réveiller le pitbull... 

Etape principalement plate et rapide, j'aurais aimé prendre plus de temps dans la baie de Somme mais celle-ci et SAINT VALERY SUR SOMME m'accueillent, ou plutôt me chassent, par une pluie battante. Peu engageant pour la région du fondateur de la revue "Le randonneur" qui reçoit régulièrement des randonnées célèbres dans notre tout petit monde.

Aujourd'hui ce qui compte à mes yeux, même si les averses se raréfient l'après-midi, c'est rouler des kilomètres, trouver un hébergement en dur, et faire une vraie lessive qui sèche.

Je trouverai tout cela à BOULOGNE SUR MER, Auberge de Jeunesse, laverie, et même brasserie traditionnelle confortable avec recettes locales goûteuses. Propre, sec, repu, mais fatigué, je m'endors sans connaître mon voisin de chambre pas encore rentré. Il me restera totalement inconnu, muet et énigmatique puisque je partirai demain sans le réveiller !

Samedi 9 août 2008 - (BOULOGNE SUR MER - WISSANT - CALAIS - GRAVELINES - BOURBOURG - BERGUES - BRAY DUNES  //  118 km).

Départ 9h, arrivée 16h15. 

Belle journée vent arrière, peu de pluie, juste quelques gouttes. Belles montées au passage des deux caps, belles descentes ensuite.

Premier cap : Gris-Nez désert par une large route peu fréquentée ce samedi.

WISSANT, point de contrôle, est une charmante petite bourgade. L'accueil est chaleureux à l'Office du Tourisme, et j’assiste ravi au spectacle des pêcheurs vendant le produit de leur pêche au fur et à mesure qu’ils la sortent du filet sur la place du village. Il est frais leur poisson !

La montée vers cap Blanc-Nez quelques kilomètres plus loin nécessite les tout petits développements de montagne que je n'ai pas  utilisés depuis belle lurette et la descente sur Sangatte autorise la même pointe de vitesse à 70 km/h que dans le Lautaret. 

Traverser CALAIS sans encombre à l'aide de la seule carte routière par le port et le terminal transmanche, me rend fier de ma navigation. Les groupes de clandestins sortent des bois et se dirigent vers d'énormes parkings de poids lourds tout comme dans les reportages d'émissions télévisées récentes. Sangatte est fermé, l'immigration leur est interdite, mais les réfugiés affluent toujours ?

D'étranges petites machines agricoles retournent des andins d'une plante gris-noir. L'explication m'est fournie sur le bord de la route par l'agriculteur : il s'agit de lin, plante qui est déracinée et non fauchée afin d'en préserver des fibres les plus longues possibles. Elle est retournée pour subir soleil et intempéries ce qui facilitera la séparation de la fibre qui entoure le "bois". C'est une culture traditionnelle  à forte valeur ajoutée, graines et "bois" seront pressés pour l'huile puis servis au bétail en tourteaux. Mais il ne reste plus que de très rares filatures artisanales, l'essentiel de la production achetée par la Chine nous revient ensuite sous forme de tissus. Disparues les filatures industrielles du Nord... désespérant ! 

A BERGUES c’est la liesse populaire : l'affluence est à son comble, la ville devient un véritable lieu de pèlerinage depuis le film "Bienvenue chez les ch'tis". Il me faut jouer des coudes pour accéder au cachet de l'Office du Tourisme !

La route le long des canaux serait agréable jusqu'à BRAY DUNES si ce n'était la pluie qui m'accueille peu avant l'arrivée. Soirée entre amis, bon repas, petite lessive, échange de nouvelles des enfants et grands-parents.

F6 - septembre 2009 

Comments

[monom]

Parce que ... l'éducation certainement. Élevés donc, pour le dire.



[Shoot volontaire de ballon de foot sur la tente que je suis entrain de monter]

Ici il viendront t'aider. Ce serait perdre la face que d'aller importuner quelqu'un, surtout un adulte.

;)

[monom]

C'est bien d'avoir ralenti les publications, je peux rattraper mon retard sur le peloton!

Des cas ou mauvaise ambiance comme au camping de CRIEL PLAGE sont complètement inexistants, impossibles ici.



Toujours aussi interessant à lire ;)

[Halgaro]

Et moi je savoure encore et toujours cette région que je ne connais pas.

[marie-édith]

Je voyage, je voyage.......assise mais sur une chaise.

hi, hi, hi.

[Marcel]

Ton tour de la France raconté comme tu le fais serait un bouquin fort agéable à lire. Tous les ingrédients y sont semés, relançant sans cesse l'envie de connaître la suite de tes rencontres, la description des lieux que tu traverses. Tes observations ne manquent pas d'humour.

Bonne route encore.