TDF 8 - Camargue, Côte et Corbières... d'Arles à Mont Louis

Jeudi 17 juillet 2008 - (ARLES - AIGUES MORTES - GRAU DU ROI - GRANDE MOTTE - CARNON - PALAVAS - VILLENEUVE LES MAGUELONE - MAGUELONE - canal du Rhône à Sète - SETE - LE CASTELLAS  //  140 km)

Départ à 5 heures 45 sous une fraîcheur toute relative, je traverse Arles encore ensommeillé où seuls les employés municipaux et quelques travailleurs matinaux sont à pied d'œuvre.

Une piste cyclable surprenante s'offre à moi, elle passe dans le pont sur le grand Rhône, comme accrochée suspendue à la Route Nationale 113. C'est la voie la plus directe pour traverser le fleuve à bicyclette. Je vise le GR 653 pour pénétrer  en  Camargue, puis la D 179 pour la traverser. J'aborde aujourd'hui des régions où je n’ai jamais mis les roues, grandes découvertes en perspective.

Ce GR 653 longe canaux et rizières jusqu'à AIGUES MORTES, triangle de pays à part, bien délimité, chevaux et taureaux sont au rendez-vous. Je me sens observé, seul intrus avec le facteur, matinal lui aussi : qui est le plus étonné des deux ; le cigogneau ou moi ?

De petits insectes profitent de chaque arrêt photo pour attaquer le cyclo, même de si bon matin. Les rizières sont plus nombreuses que les pâtures, cela deviendrait presque monotone.

La cadence d'un tel voyage impose de traverser sans découvrir plus ; il en ira ainsi de nombreux endroits où je me suis dit " là je reviendrai ".

Aigues Mortes arrive enfin où Saint Louis m'accueille bras ouverts pour le casse-croute.

La chaleur grimpe petit à petit. La route GRAU DU ROI, GRANDE MOTTE, CARNON, PALAVAS n’en est que plus fastidieuse de rond point en tronçon de piste cyclable, via quelques kilomètres de front de mer ou d'étang, jusqu'à la rencontre de deux loups de mer devisant affalés à l'ombre de la capitainerie du port de Palavas. Je cherche désespérément un point d'eau depuis quelques kilomètres, ils finissent par bouger et me conduisent dans les sanitaires du port dont ils ont la clé. Je poursuivrai un bon quart d'heure de conversation avec le moins pressé, et le plus bavard des deux : éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse de l'est de la France à la retraite, il bourlingue sur mer avec son épouse et revient passer quelques semaines dans son petit appartement de Palavas ; un homme heureux, curieux aussi de mon voyage.

Le détour par VILLENEUVE LES MAGUELONE m'aura bien servi.  A l'office du tourisme, l'employé constatant la largeur de mes pneus, me conseille le chemin n'apparaissant pas sur la carte et longeant le canal du Rhône à Sète jusqu'à Frontignan, ainsi qu'un lieu de pique nique tout proche avec point d'eau.

Arrivé à cet endroit, c'est une dame à bicyclette qui m'incite vivement à faire le crochet par la Maguelone.

Je ne regretterai pas son conseil : le site est étonnant, ombragé, chargé d'une histoire qu'il faudra aussi revenir découvrir, actuellement occupé par un  Centre d'Aide par le travail exploitation viticole et ferme aquacole.

Je mange à l'ombre des murs de la cathédrale que je visiterai en un quart d'heure.

La piste n'existe par sur la carte, je roule dans le bleu, entre canal et étangs de Vic, des Mourès, de Pierre Blanche, souvent sur les coquillages pilés croisant quelques rares cylcos dans la confidence de ces lieux étonnants.

Arriver dans SETE pourrait être tout aussi pittoresque si cette ville n'était pas si compliquée de quais en ports, et s'il n'était pas 14 heures 30 sous la pleine chaleur et l'affluence touristique. A l'office du tourisme on m'indique le seul camping soit disant pas loin, en direction d'AGDE. Je réserve par crainte de me retrouver "à la rue". S'extirper de Sètes s'avèrera compliqué : je roule d'énormes lotissements touristiques en construction, de fronts de mer en culs de sacs, et déroule sur mes traces. Le camping de Castellas du groupe Homair (à honnir !) est sur la commune de Sète, mais à 13,5 km. Contraint par la fatigue, j'honorerai ma réservation malgré le prix prohibitif, l'accueil trop pro pour être honnête, et la piètre qualité des installations. Ce sera le pire souvenir de camping. A ses côtés le Green Park de Cagnes, est familial et bon enfant ! Ici on garde quelques emplacements pour les pigeons de passage et peut être aussi pour conserver l'appellation camping. En fait c'est une "petite" ville de mobil-homes : cabinet médical, poste de police, deux piscines, petit train desservant continuellement les différents quartiers, supermarché, salon de beauté, bars, distributeur automatique de billets au centre, pizzerias, restaurants. Ici, on déambule bagué, un bracelet au poignet.

37 € pour une petite tente, une petite douche, un gars fatigué qui partira tôt et apportera même son papier hygiénique aux toilettes ; rien à faire, pas de négociation possible !

Vendredi 18 juillet 2008 - (AGDE - PORTIRAGNES - SERIGNAN - VENDRES - LESPIGNAN - SALLES D'AUDES - COURSAN - CUXAC D'AUDE - SALLELES D'AUDE - ST MARCEL - MARCORIGNAN - NEVIAN - ORNAISONS - MONTSERET - DURBAN CORBIERES - VILLENEUVE LES CORBIERES - TUCHAN  //  147 km) - Départ à 5h45 - Passage à la guérite des vigiles qui me restituent ma pièce d'identité. Nous conversons gentiment 5 minutes, quel drôle de boulot, ils ne s'en plaignent pas.

Je ne tente que quelques kilomètres la Route Nationale 112 comme le propose l'US métro dans son parcours type. Il a beau être encore très tôt, la circulation est telle, qu'après hurlements de rage à la suite de dépassements de poids lourds pour qui je ne compte pas plus qu’un moustique, je prends la tangente par un chemin de terre. Je contournerai BEZIERS par le sud, dans une sorte d'entre ville et plage, crasseux de vieux mobile homes, parcs d'attractions poussiéreux, centres équestres faméliques, et poubelles dégorgeant aux carrefours ; là au moins, je ne risque pas trop ma vie à cette heure de la journée.

Cela redevient plus agréable à partir de VENDRES sur la jolie petite route le long de l'Aude au milieu des vignes, au bord de l'autoroute bouchonnée.

Echaudé par l'approche de Béziers, je contourne aussi NARBONNE, mais par le nord. La coquette place de la mairie de SALLES AUDE m'intrigue.

Un horloger de Morbier où je suis passé il y a 11 jours, et portant le nom étonnant de Crétin l'Ange, a installé ici en 1912 une horloge originale au cadran à 24 heures. La lecture de l'heure est déroutante au premier abord, mais fort simple : mode d'emploi minimaliste, "la petite aiguille indique l'heure". Il est 10 heures 49.

C'est à CUXAC D’AUDE que je croiserai la route de l'autre Tour de France, celui qui passe à la télé. La circulation devient plus dense à l'approche du village. Je réussis à le traverser, mais pas question d'emprunter la route des coureurs  à contre sens même sur quelques centaines de mètres seulement comme j'en avais l’intention. Je m'estime déjà heureux d'avoir pu passer car quelques minutes plus tard la route sera coupée pour laisser le passage à la caravane du tour qui jettera  mini saucissons et camemberts, babioles inutiles, mains en cartons... à la foule en transe. J'ai assisté à cela il y a quelques années en Corrèze : les ados de Seine Saint Denis que j'ai emmenés voir le tour passant dans le bourg voisin de Marcillac la Croisille étaient revenus, s'interrogeant sur la triste mêlée à laquelle ils venaient de participer.

Repas et sieste royale à l'ombre des platanes au bord du canal du midi, je reprends la route et entre dans les Corbières sur l'itinéraire des coureurs, mais en sens inverse. Les villages sont décorés pour l'occasion.

Avec un tel nom il aurait de quoi faire peur ; le COL DE L'EXTREME (251 m) est extrêmement doux à monter suivant la vallée de la Berre tantôt ombragée, tantôt rocailleuse.

J'arrive au camping du domaine de la Perrière entre TUCHAN et PAZIOLS à 16h50 après 147 km. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas : cet après midi dans les Corbières, et ce magnifique camping prendront le dessus sur les mauvais moments passés au Castellas, dans les stations balnéaires, sur la nationale 112... Ici, les emplacements sont de petites niches, cocons dans la rocaille calcaire sous les buis et les chênes verts. Qquelques caravanes, peu de camping-cars, les tentes canadiennes ou dômes sont majoritaires.

Samedi 19 juillet 2008 - (TUCHAN - ESTAGEL - MILLAS - VINCA - PRADES - OLETTE - MONT LOUIS - MATEMALE  //  112 km) - Départ à 5h45. Très vite les Pyrénées apparaissent à l'horizon, j’attends impatient ce retour en Montagne dans un massif que je ne connais pas du tout, mais dont les noms des grands cols alimentent tant de conversations de cyclistes et de randonneurs.

Que j'aime à rouler au lever du soleil : fraîcheur, solitude rarement perturbée, découverte progressive des paysages sous des éclairages et des couleurs à chaque instant différents, curseur luminosité passant du blanc cassé laiteux à l'orange flamboyant dont la chaleur contraste avec la fraîcheur du moment.

Ce samedi matin des vététistes et des voitures chargées de vélos convergent vers ESTAGEL. Le club FFCT local y organise une randonnée. Ils sont tous à leur affaire et ne me saluent pas au passage ; aux mieux ils me dévisagent comme une bête curieuse ; je ne fais pas partie des deux roues qu'ils attendent aujourd’hui.

Le COL DE LA BATAILLE n'est pas très extrême lui aussi ; les montagnes pyrénéennes sont bien là qui se rapprochent. Je scrute mon lecteur de carte et l’horizon tout en roulant, impatient d’y discerner les premiers cols.

Auparavant il faudra subir la longue montée jusqu'à MONT LOUIS centre d'entraînement militaire gendarmerie ou légion étrangère, passer des 89 mètres d'altitude de MILLAS aux 1613 m  de Mont Louis par l'horrible nationale 116, puis, encore au delà aux 1713 m du COL DE LA QUILLANE par une départementale bien plus reposante.

Seule tentation au bord de cette RN, les pêches ou brugnons au ventre rebondi d'engrais, à la peau indemne de toute piqûre d'insecte. A quel prix nous les vendra-t-on là haut ?

Les travaux sur la RN 116 imposent nombre de rétrécissements sur des portions qui paraissent interminables en roulant à ma vitesse de pente sévère, c'est-à-dire parfois à seulement 4,5 km / heure.

La chaleur tombe du ciel et monte du bitume nauséabond qui fond. Les caravanes et les poids lourds s'impatientent, jusqu'à ce que, n'y tenant plus, ils dépassent quoi qu'il arrive en face. Assassins ! 

La fontaine d'un groupe de maisons délabrées, m'offre une pause et un rafraîchissement bienvenus. L'eau des bidons est si chaude qu'elle n'est plus buvable. Mais qui pourrait bien habiter là aujourd'hui dans ce hameau-rue, sur cette route du Roussillon à l'Espagne via Font-Romeu, saturée de circulation routière en saison estivale ?

Mont Louis arrive enfin sur un replat verdoyant comme une forteresse de calme. Achats alimentaires pour le soir, cartes postales à la famille, carte contrôle à Bernard CLAMONT, gardien US Métro des tourneurs de France. Cette ville pointe l'un des six "sommets" de l'hexagone de ce TDF, le deuxième de mon périple.

La petite départementale du col de la Quillane, puis le camping de MATEMALE en dessous de la station des Angles, m'offrent le réconfort mérité à la suite de cet après-midi éprouvant de chaleur, de circulation et d'entrée dans le vif des Pyrénées.

205 km de Jura, 616 km d'Alpes, 715 km de façade méditerranéenne... 

Rude journée, les Pyrénées devant soi, voilà de quoi trouver le sommeil sans même avoir le temps de compter les paysages défilants ... plutôt que les moutons.

F6 - septembre 2009 

Comments

[Halgaro]

A défaut de prendre le temps de lire des bouquins, je viens lire ici. Et autant dire que j'apprends plein de choses et que cela me détend!

En plus, tu fais double activité : guide touristique et guide des campings, merci pour les tuyaux!!!

Je n'ose imaginer le temps que cela a dû te prendre de faire tous ces posts...alors vraiment merci, c'est du réel bonheur.

[monom]

Le col de l’extrême alt. 251m, excellent :) C'est quand même un peu plus que les deux tiers de la tour Eiffel, ça impose!