Quand les vaches avaient encore...
Quand les vaches avaient encore des cornes...
... au siècle dernier, les enfants repliant annulaire majeur et pouce, étirant auriculaire et index, se moquaient ouvertement d'un camarade. Ils pouvaient aussi tirer la langue, mais plutôt quand l'adulte tournait le dos car avec cette mimique, la moquerie valait insulte hautement répréhensible, au moins d'une remontrance salée, sinon d'une bonne taloche !
Aujourd'hui, alors que les vaches ont moins de cornes, ou bien que moins de vaches ont des cornes, on replie tous les doigts sauf le majeur tendu verticalement. Avec une savante rotation de l'avant bras et du poignet, le geste peut s'accompagner de propos discourtois et, somme toute assez peu crédibles : "fils de pu...", "nique ta reu...". L'effet sur le destinataire est garanti "pure bagarre", d'adultes automobilistes sur le bord de la route, ou d'enfants en cour de récréation...
- Maître, tu sais les grands... y m'a fait un doigt d'honneur !
- Ce n'est rien, ne les écoute pas, ils ne savent même pas ce qu'ils disent...
- Oui, mais les grands... y dit des trucs sur ma mère !
- Hep, les grands, v'nez voir par ici...
L'évolution des codes sociaux de la grossièreté est certainement plus rapide que celle des marques de politesse, mais, l'arrivée à l'âge adulte stopperait son avancée..., en émission tout au moins. Ainsi, aucune chance que ma maman, qui a lâché son premier (et unique) "merde" à l'âge approximatif de 40 ans, ne se laisse aller à un "put..." plus de 35 ans après : l'évolution de son langage grossier est restée bloquée au stade du "merde". Quant à moi, quand "pu..." me vient aux lèvres, il se transforme immédiatement, à chaque fois ou presque, non pas en crapaud ni même en vipère, mais en "pu...rée".
Ne surveillant plus de cours de langage de récréation, je suis tout de même un brin impatient et joyeux de savoir par quoi ces mots et ce "doigt dit d'honneur" seront prochainement remplacés ?
Pu...rée d'en...corné !
"Ouuuuhhhh les cornes !".
Alors que le geste dans la main de l'adulte fait référence à Satan le diabolique, pour nous autres enfants, il s'agissait bien plus naïvement des cornes de l'escargot, ou bien de celles des bovidés.
"Ouuuuhhhh les cornes !"
De l'escargot lent et gluant, ou bien du taureau imprévisible et vindicatif ?
Que serait une Salers sans ses cornes ?
Effectivement il y a tout lieu d'être alertés car depuis quelques années la proportion de bovidés acères dans nos prairies va croissant. La pratique dont j'ai déjà longuement parlé là : Acère, à sert à quoi ?, et là : On marche sur les cornes, ne semble pas encore toucher l'élevage traditionnel des "races" du Massif Central Aubrac ou Salers.
... promenons-nous dans les prés, pendant qu'ya encore des cornes, quand y'en n'aura pu...
Admirons tant qu'il est temps...
... celles-ci qui descendent des estives des flancs du PUY MARY au pied de la BRECHE DE ROLAND, là d'où source l'IMPRADINE.
Il n'est pas fier le petit Cantalou au pull rouge ?!
A 8 ans, faire un truc qui n'est pas donné à tout le monde, pouvoir bloquer la circulation et conduire un troupeau à bonne prairie avec papa, ça forge un homme.
Deux jeunes boeufs curieux, l'effronté et le couard, après un sursaut de surprise nous ont dévisagés longuement sur le flanc du PUY BESSE du sentier du VIOLON avant de reprendre leur patient travail de ruminant.
Vaches interrompues, promeneurs suivis du regard un peu plus loin avant BROCQ...
- Qu'est-ce qu'ils nous veulent ?
- C'est quand même pas déjà l'heure de bouger pour la traite ?
- Pfff... bah non les filles, trop tôt, z'inquiètez pas, je surveille !
Dans le Cantal, selon la finalité de l'élevage, les prés sont paisiblement agités de couleurs différentes. Quand il s'agit de production de viande, de plus en plus souvent les troupeaux sont tricolores. Un père Charolais, une mère Salers... pour une mignonnette descendance blondinette.
Quand il s'agit d'élevage laitier pour production de fromage Salers (proche du fromage Cantal), bien évidemment seule l'auburn frisée a droit de brouter et de donner son lait.
Seule l'auburn a droit de brouter aussi, mais pour donner sa viande aux 42 éleveurs regroupés au sein de la boutique coopérative Acajou des volcans qui promeut la boucherie 100% Salers.
Lait pour Salers, viande de qualité, viande 100% Salers, ces bovidés d'ici aux productions "haut de gamme" sont tous cornus.
Il y a quand même un "truc qui me gratte"...
... je croise les doigts pour que la vogue des vaches acères ne se propage pas jusqu'aux Salers des prairies du Cantal. Il serait fort dommage qu'un jour, la dernière Salers cornue soit de de pierre !
Au COL DE BESSEYRE entre RIOM ES MONTAGNES et TRIZAC l'hommage à la "Salers de nos montagnes" a été rejoint depuis peu par son pâtre.
Longue vie à l'élevage traditionnel !
Francis MIGNARDOT
Texte décembre 2013
Photos octobre 2013 - février 2012
Dernière minute - Un grand merci à Marcel TAULEIGNE lecteur attentif ici "En balade né au vent" pour le lien de circonstance vers cette chorale de paysans producteurs laitiers (désolé mais canalblog n'accepte pas encore les vidéos de YouTube).