D'une pierre blanche... hier...
L'église Saint Pierre de MENET occupe une "île" au milieu de la route principale traversant le village.
L'édifice, dont l'évolution est très probablement commune à la plupart des lieux de culte catholique au-delà même de notre hexagone minuscule, est construit au 12ème siècle. Chaque siècle suivant gagne son ajout... de chapelle, de porche, de sacristie... pour présenter enfin au 17ème siècle le bâtiment dans la forme qu'on lui connaît aujourd'hui.
"Eh Gros-Jean, regarde le barbu, il est en jupe ! Salut barbu !"
Ici à MENET, ce 17ème siècle a ponctué l'évolution de l'édifice par l'adjonction d'un clocher à flèche et de la tourelle. On pourrait penser qu'une église se construit autour de son clocher..., on imaginerait bien celui-ci érigé le premier sur les lieux..., mais non !
Une fois l'édifice ponctué de sa flèche pointant vers le ciel, les interventions suivantes visent principalement à en réparer les outrages. Des cieux tombe de l'eau, souffle du vent, se précipite de la neige et s'imisse du "gel en coin". Ce sont donc les toitures de l'église dont les couvertures et les charpentes deviennent l'objet des toutes les attentions protectrices des trésors renfermés à l'intérieur, que ceux-ci soient de bois ou de foi, revêtus ou non d'or ou de prières.
"Eh, Pierrot, t'as vu, on dirait la mère machin qui se fait tirer les cheveux par le père bidul !"
Les ornements architecturaux intérieurs sont là sur ordre d'un concepteur, parfois agrémentés des facéties du tailleur de pierre. Abrités, ils résistent aux temps. Ceci est d'autant plus important qu'ils divertissent le dévot contraint qui s'ennuie à la messe au fil des siècles.
"Gros-Jean, Gros-Jean, vise un peu, l'Bébert qui fait du coude à la Simone"
Gros-Jean et Petit-Pierre, l'écoute du prêche en berne, se lèvent et s'assoient quand leurs voisins de banc..., souvent avec une petite seconde de retard rappelée à l'ordre cérémonial par quelque coup d'oeil travers froncé de sourcil de la vieille tante bigote. Bien obligé : l'esprit vagabond la coquinerie à fleur de pensée a tant à voir, à imaginer ou à croire, sur ce chapiteau-ci ou cette frise-là.
"Pfou, c'est lourd, on en a gros sur le dos"
Architectes, maçons, couvreurs, charpentiers, tailleurs de pierre, tout en s'élevant vers le ciel sur leurs échelles, se sont penchés sur la couverture de l'église de MENET.
Ils y ont oeuvré en 1920, 1930, 1960, 1970, 2000 puis 2009. Une chance que la pierre et le savoir-faire soient là, à portée de marteau et de bigot !
"P'tit-Pierre, tu crois c'est qui ceux-là ? D'où qu'y sortent ? Du lac, de la rivière ?"
La maison d'en face, pourtant fort bel édifice elle aussi, ne bénéficie pas d'autant d'engagements à sa protection... va savoir !?
De la pierre de MENET, cette "trachyte" gris clair dont tout le village est construit, nous en avions déjà entendu parler dès l'an passé, avant de venir la caresser de la main et du regard cet automne.
Mais c'est en chemin, nuit tombante à CRAYSSAC sur le sentier pédestre du Violon que fièrement, Petit-Pierre devenu grand et sage, nous explique ses trésors architecturaux, géologiques, gastronomiques...
- Oui, oui, c'est bien un four banal qu'on a restauré il y a quelques années.
- Avec de la pierre de MENET ?
- De la pierre d'ici bien sûr !
- Et vous cuisez du pain ?
- Pas que du pain..., il y rôtit une salers et des tartes à la fête du printemps.
- Waouh, quelle belle fête ce doit-être !
- Z'avez pas vu celui de BROCQ en chemin ? Le four de BROCQ, ils ont fini de le retaper cette année...
- Bah non, il doit être un peu à l'écart du sentier, on y retournera voir.
- Parce-que, celui de BROCQ, il est pas pareil. C'est pas la même pierre, c'est du tuf.
- Du TUF !!!???
- Ouaip ! Mais pas le tuf d'ailleurs, le tuf d'ici, le "tuf de BROCQ". Y'en a qui l'appelle du Piperno. Enfin... c'que j'sais, c'est qu'c'est du tuf volcanique.
La nuit se rapprochant dangereusement alors qu'il nous reste 3 ou 4 km bien dénivelés, j'écourte tant que possible avec civilité cette conversation. Dommage qu'il n'habite pas sur place à CRAYSSAC le Petit-Pierre, il n'en aurait fallu guère plus pour que nous prenions le temps d'un apéro près du cantou, puis d'une reconduite en 4x4 cantalien.
Le mot tuf renvoie à mes cours de géologie locale en classe de 4ème, quand un professeur courageux avait promené sa troupe de boutonneux à la fontaine de Jouvence près de DIJON (Côte d'Or). "Mon tuf", que j'ai retrouvé aussi "Au bout du monde" à NOLAY sous la cascade, c'est le résultat solide du lent dépôt de calcaire sur des débris végétaux, devenant une roche d'abord fragile et friable, puis des années plus tard bien plus solide et compacte.
Tufière calcaire - ou comment le dépôt minéral s'opère sur le végétal (ici près de SAINT ROMAIN en Côte d'Or)
Le "tuf de Petit-Pierre", le tuf volcanique, les géologues en parlent avec un tas de termes jolis pas si compliqués que ça..., pour certains au moins !
"Ejectas" (téphras ou pyroclaste), en clair c'est le volcan qui tousse puis crache. Ejectas ça rend mieux que "crachats" n'est-ce-pas ! Mais il ne crache pas que du feu le volcan en colère. Il se racle la gorge, arrachant la pierre à l'état solide du conduit éruptif ("de cheminée"), dans un grand rot gazeux avec reflux magmatique. Ejectas soit, puis après tout ça se tasse, se repose, s'arrose, en prend sur la tête, s'emporte dans la coulée, s'écrase... pour parvenir un beau jour à l'état de "roche à structure vacuolaire" !
Non, non... pas "va cul à l'air", j'ai bien dit vacuolaire !? Pour une broutille sémantique le vocabulaire volcanique rejoint alors le lexique sédimentaire...
- Vous me suivez ?
- C'est quoi ta broutille ? direz-vous.
"Ma", enfin... "leur" broutille, c'est la bulle ! Ben oui quoi, la bulle c'est du vide, du vide qui se donne l'air vacant, la bulle de gaz qui laisse un minuscule, voire microscopique trou dans la roche.
Voici donc le Tuf de Brocq volcanique, et le Tuf calcaire de dépôt se rapprocher étymologiquement d'une troisième roche, le Tuffeau sédimentaire. C'est ce dernier qui, creusé de la main de l'homme, abrite entre autres les vins de Loire. De formation et de composition complètement différentes, le seul point commun de ces trois roches, c'est le vide, la porosité.
POINT FINAL.
Une autre fois peut-être je laisserai "phonolite" chanter d'elle-même !?
Alors que MENET est "gris-blanc", nous avions bien remarqué que "tout BROCQ" est ocre, plus ou moins sombre.
Pour en avoir le coeur net, Filpignon et moi nous ferons halte à BROCQ sous le soleil du lendemain.
Juste pour voir et croire, pour admirer le four banal et sa restauration, pour avoir envie de revenir, pour avoir soif d'apéro-causette avec Petit-Pierre.
Et voilà pourquoi BROC ne va pas forcément avec bric(que) !
L'observateur averti remarquera que l'encadrement de colonnes de l'entrée de l'église de MENET comporte de part et d'autre deux petits chapiteaux plaqués. L'un est sculpté dans la pierre de MENET, l'autre dans le tuf de BROCQ.
"Ohlala ! Regarde Petit-Pierre, ça prend la tête..."
Francis MIGNARDOT
Texte novembre 2013, photos octobre 2013
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