Perdu "Au Bout du Monde" !?
Si la vie a deux bouts dont on brûle la chandelle, le monde en a bien plus ! Ceux qui en font le tour n'en trouvent d'ailleurs pas le bout, ...sauf peut-être en fin de vie.
Notre "bout du monde" Côte d'Orien, est dans un cirque. Pas un cirque auquel on assiste au spectacle, ni un joyeux capharnaüm, mais un cirque dont on fait le tour.
Le tour ? Enfin presque...
Un cirque dont on ferait parfaitement le tour doit être trou. Faire tout le tour d'un bout du monde en forme de trou, ce serait parvenir à sa fin.
Soyons réalistes : de ce cirque ci qui n'est pas complètement circulaire, on sort par la vallée de la COZANNE.
Soyons également modestes : ce n'est ni le TROU de BOUZOULS ni le CIRQUE DE NAVACELLES...
... juste mon p'tit Bout du Monde en Côte d'Or...
Donc, sans être un trou dont on pourrait faire le tour pour parvenir à ses fins, notre cirque du "Bout du Monde" a quand même un cul.
Mais..., un cul, ça a un trou n'est-ce pas ?
Eh bien ici, notre Bout du Monde a un trou qui n'est pas à son cul, mais à la grotte de la Tournée.
J'aime à assister au spectacle du cirque du Bout du Monde d'où nait la cascade au dessus du Cul de Menevault, juste avant qu'elle ne devienne la Cozanne.
La Cozanne mène à NOLAY, là où le socle hercynien granitique du Morvan commence tout juste à émerger du bassin sédimentaire argilo-calcaire...
... là où viennent mourir les dernières appellations du vignoble côte d'orien...
... là où sont nés ma grand-mère et mon père.
L'oncle Jean a sans doute promené sa chienne, son fusil, ou ses pinceaux dans ce cirque. Pépé Fernand a conduit ses écoliers en classe promenade sur les roches entre deux guerres, après l'interrogation de calcul et avant la leçon de choses.
Mon père a su susciter puis encourager la curiosité enfantine pour la paléontologie. Il a gratté avec moi les affleurements de sédiments marins restés tendres et riches en rostres de bélemnites ; nous avons cassé de la pierre à NOLAY pour dégager gryphées arquées ou ammonites...
Aux dépôts d'intérêts enfantins viennent s'ajouter couches de connaissances scolaires, strates de curiosités, empilements de questionnements... Il s'en trouve toujours assez pour dire qu'on en tient une bonne couche.
Un jour arrive bien vite, où, conscient qu'au contraire de se combler, les abîmes d'inculture creusent inexorablement leurs nids en nous, on aspire à savoir simplement d'où l'on vient, où l'on va, combien de temps ça prendra, ce que l'on pourrait croiser en chemin, de qui en apprendre, avec qui en partager un bout (et subsidiairement "qu'est-ce qu'on mange ?").
Ainsi je promène cartes, plans, boussole, topos, guides (pomme, biscuits et couteau) ; je consulte récits, précis, flores... et rends visite aux terrains.
Voir dressé devant mes yeux ce que j'imaginais des courbes de niveau ; chercher le sentier qui part d'ici ; nommer le village ou la colline au loin ; se sortir de là où rien ne figure pour parvenir ici précisément... me ravit, tout simplement.
L'époque voit s'enrichir le patrimoine de nos sentiers de marquages et fléchages uniformisés venant régulièrement confirmer qu'on n'est pas égaré. A côté du "rouge et blanc" traditionnel des itinéraires de Grande Randonnée, le jaune est la couleur des sentiers de petite randonnée, partagée des Cévennes à la Bretagne, de la Bourgogne au Jura...
Les regroupements de communes en collectivités territoriales, le concours de clubs de randonneurs locaux et sans doute des subventions multiples ont permis ces réalisations solides de belle facture.
Manifestement, ici au "Bout du monde", elle ne sont pas du goût de tout le monde !
Soit le randonneur dérange,
soit la casse des panneaux distrait ?
Il est vrai qu'un maire de la vallée vient de se faire copieusement insulter sur le crépi de la mairie, en grandes lettres crachées à la bombe de peinture orange...
Qu'à cela ne tienne ! Crétins et autres trous du... n'arriveront pas à me semer. Je bouclerai le tour du Bout du monde plusieurs fois,
... au bord des falaises... ou plus éloigné,
... dans un sens et dans l'autre,
à l'automne, en hiver, au début du printemps.
Peu importe, j'ai ma carte... à l'échelle 1/25 000.
Je suis ici chez moi, non d'un chat gentil, sur les traces de Fernand, Jeanne, Jean, Robert !
Francis MIGNARDOT
Texte - octobre 2013
Photos - 2011, 2012, 2013