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En balade, né au vent
18 mai 2013

Poussacoche et Filpignon dans les Terres du milieu... 1/6

 

- C'est parti Fil' ?

- On y va mon vieux Pous', tout est OK, mécanique nettoyée, révisée, huilée... t'as plus qu'à appuyer sur les pédales. T'es sûr de rien avoir oublié ?

- Bof, on verra bien, s'il manque un truc, soit c'est pas important et on s'en passe, soit on avise...

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Couper. Couper court net et sans bavure. Il avait préparé la chose comme d'habitude, cartes routières et bagage, vélo et carte-mémoire.

Nous sommes le 7 juillet 2012. Les vacances scolaires sont déclarées officiellement depuis la veille ou l'avant-veille.  Partir vite, sans crier gare, à peine au revoir aux collègues, mobilisation ! C'est vrai que Poussacoche travaille un peu seul sur une barque chargée, maintenue à flot plus de 10 mois de l'année, parfois par gros temps. Boulot bouclé, répondeur débranché, clé du bureau au clou, bonne conscience professionnelle en poche : plus serait trop, et trop... c'est trop !

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- Allo Jean-Marc, comment tu vas lapin ?

- Ras l'bol, ici on range et on s'fait chi... avec des conne...

Jean-Marc, c'était mon collègue de bureau voisin, jusqu'à ce que notre employeur nous sépare. Non pas parce que la cohabitation, parfois bruyante et quelquefois chahuteuse nuisait au service, mais juste pour économiser des m² de bureau de fonctionnaire. Jean-Marc est prof de muscles et d'écriture, mais niveau primaire. Moi, je suis prof de... tout, plutôt bricoleur-décabosseur, niveau primaire aussi, au moins au départ. 

- Put... j'en ai marre, vivement les vacances, tu viens boire un coup ?

- Ben... j'aimerais bien mon Jean-Marc, mais là, j'ai bouclé ! Je suis en vélo au bord du canal, je casse la croûte et ce soir je dors à la fraîche, sous la toile.

- Ah, veinard..., tu vas où ?   

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Poussacoche avait invité les anciens ce dimanche midi du mois de mai. Les conversations s'entrecroisaient, allant bon-train autour d'asperges arrosées de viognier de la cave coopérative de SAINT-HYPPOLITE-DU-FORT. Pous', c'est un gars pas facile à faire parler, sauf de ses balades. Tout juste revenu d'une petite semaine dans les Cévennes en amoureux avec Filpignon, il débordait encore de belles images. Comment évoquer ça sans trop ennuyer une tablée ?

En caressant les convives dans le sens des papilles, savourant le propos avec quelques exemples de productions locales "tirées des sacoches" ! 

En plus du vin blanc de cépage viognier qui va si bien aux asperges à la mayonnaise, le rouge de Roche Fourcade veloutait le confit de canard et les petites patates rissolées. Puis il y eut la crème de châtaignes, épousant à merveille le fromage blanc. 

Jusqu'à présent l'Onc'Maurice s'était contenté d'écouter sagement, hochant la tête dans son assiette. C'est ce moment qu'il choisit pour lancer la question  mûrissant en bouche depuis un moment :

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- Francis, c'est où pour toi les Cévennes ?

Là, franchement, je ne voyais pas où l'Onc'Maurice voulait me conduire avec son air finaud.

- Ben... c'est pas vraiment le Massif Central, un peu quand même, euh... ça en fait partie, mais c'est pas les volcans... en bas..., c'est pas vraiment le Midi, un peu quand même, euh... ça en fait partie... mais c'est pas la mer... au sud...

Je savais bien que ma géographie pâtissait d'un manque certain d'assiduité écolière et de conviction de mes maîtres : question de... "méthode globale" sans doute !? D'ailleurs, depuis une quinzaine d'années, je m'applique à revisiter cette passionnante discipline in vivo, avec ma méthode globale à moi, c'est-à-dire : à coup de pédales, de litres de sueur, de cartes routières, et de bonheurs. 

Couv livre géographie_filtered

- Francis, tu sauras que les Cévennes, si elles commencent où tu dis, au sud du Massif Central, elles se terminent bien plus haut au nord, en Bourgogne, là après BRANCION et le Col des Chèvres..., à LAIVES somme toute ! Enfin, ce que je dis-là, c'est ce qu'on nous a appris à l'école. On disait même que peut-être, elles remonteraient jusqu'au Morvan ?

France relief du sol

Et toc !

Cette "tache d'encre sur mon cahier d'écolier" pourrait me rappeler le surnom profondément blessant : "Mignardot-idiot-corniaud", jeté en classe de CE2 par un maître, orfèvre en tyrannie, si ses mots méchants n'avaient pas glissé sur mon dos d'enfant.  

Même pas mal Maurice ! Bien au contraire, merci pour ce joli petit caillou dans mon jardin d'instituteur... que je glisserai dans ma godasse de voyageur.

Non sans avoir lancé dès ce jour de timides premiers arguments contradictoires :

- Maurice, c'est pas possible, j'y crois pas, vous vous trompez. C'est pas les mêmes cultures, pas le même élevage, pas le même âge de formation géologique... Ici en Bourgogne c'est du calcaire, là-bas dans les Cévennes c'est du granit et du schiste...

Puis quelques secondes de réflexion plus tard :

- Mais alors..., du coup Tonton Maurice..., vous êtes Cévenol !!!

L'Onc'Maurice était paysan justement pas loin, Bourguignon du côté de BUXY, donc au nord de "ses Cévennes". Un peu de tout, mais surtout des bêtes et de la vigne. A 88 ans, paysan, il l'est encore pour toujours. Ne restent que les canards, quelques charolaises, puis une seule vigne.

Sans pour autant avoir fait tourner la tête de l'Onc'Maurice qui en boit peu, peut-être était-ce un effet du bon vin ? Du verre au bouquet, de blanc en rouge, petit à petit et par associations d'idées, le nectar avait sans doute fait remonter de solides acquis d'écolier, propres comme des sous neufs, même après 80 années  !

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Lavoir des Chavannes à Montceau-Les-Mines classé Monument Historique en 2000 

(on "lave"  le charbon pour le trier selon sa granulométrie)

- Filpi, tu sais qu'on y retourne dans les Cévennes, mais cette fois on va tâcher de faire le tour de la question. Prépare ton petit plateau et ton gros pignon mon mignon !

- Mon gars, tout est là à gauche, tiens-toi bien !

Ce 7 juillet 2012, Poussacoche et Filpignon prennent le large. L'idée, c'est de rejoindre le Massif Central au plus vite par les Gorges de la Sioule, puis de traverser le Puy de Dôme, couper le Cantal en deux par son centre, trancher dans l'Aubrac, accoster les Cévennes par les Causses, dire bonjour à l'Aigoual, descendre jusqu'au calcaire des Cévennes-Garrigues, remonter le Mont Lozère... ensuite on verra bien ! Mais au terme du voyage on devrait pouvoir reparler du pays à l'Onc'Maurice !

- Jean-Marc, je te souhaite de bonnes vacances. Ne traînez pas trop au boulot, bises à Michèle, Murielle et Sandrine, coucou à "la patronne", et surtout... ne vous laissez pas enfermer !

Le moment choisi pour téléphoner est situé au "point de non retour", à la mise en orbite du voyage, là où, à 80 km environ de la maison, il n'est plus envisageable de rebrousser chemin. Aujourd'hui, peu après MONTCEAU-LES-MINES, nous basculerons dans cet "inconnu" spatial et temporel qui jouxte les contrées les plus lointaines de nos sorties à la journée.

Nous longerons le canal jusqu'à PARAY-LE-MONIAL, puis tomberons dans le bassin de la LOIRE ne sachant pas très bien où l'orage éclatera. Sitôt passé le fleuve, le relief du Bourbonnais devient plus exigeant, voire éprouvant sous cette chaleur orageuse. Le groupe de scouts anglais à bicyclette, vaguement en uniforme mais surtout complètement épuisé et en panne, ne jette pas un regard sur notre équipage. Juste un signe, ne serait-ce qu'un visage tourné vers nous et nous n'aurions pas hésité à offrir notre aide, n'est-ce pas Filpignon ?

- Tu fais comme tu veux Pous', moi je continue, y nous tournent le dos !

- Dac'o dac', mon vieux Fil', ce sera donc tout pour aujourd'hui comme conversation !

...

- T'as vu Pous', il y a encore moins de monde au camping que la dernière fois.

Tous deux nous connaissions le camping de LE-DONJON pour sa tranquillité, mais à ce point-là non :  per-so-nne ! Juste le conjoint de la gardienne qui prend sur lui de nous proposer l'abri des combles du bâtiment sanitaires, car un orage violent est annoncé.

Filpignon et moi chargerons la gardienne de remercier la commune qui maintient ouvert son camping pour nous deux tous les 4 ou 5 ans. Il paraît tout de même qu'entre le 15 juillet et le 15 août, il y a aussi quelques familles hollandaises séjournant ici, bien que la baignade soit à une dizaine de km. Nous ne ferons que passer comme l'orage de la nuit, en appréciant d'autant plus l'abri qu'il ne nous coûte que 4 €.

- Fil', tu bouges ! C'est l'heure.

Au lever du jour, ciel lavé et fraîcheur retrouvée, je suis obligé de secouer Filpignon qui se prélasse entre le local douches et les toilettes, plus du tout habitué aux départs si matinaux.

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 Puy Saint Ambroise (?) à l'horizon du petit matin

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Commentaires
P
Je n'avais pas consulté ton blog depuis plusieurs mois... si j'ai bien compris Poussacoche est celui qui pédale et Filpignon celui qui subit les coups de pédales.<br /> <br /> Bien trouvé! Dans un commentaire on trouve Poussachoche (erreur de frappe sans doute) Te lire est toujours un plaisir. Amitiés PIERRE J
P
Ben, je viens de voir que j'ai commenté deux fois le même article. Pas les yeux en face des trous moi. Boh, mieux vaut deux fois que pas du tout.
P
Très plaisant ce récit. Un bon moment. Je t'envie un peu moi qui suis "sur les bords de la mer Baltique". Ben oui, tu as les massifs montagneux à quelques heures de pédales (moi, il me faudrait plusieurs jours... Grrrrrr !!!!)<br /> <br /> Et j'adooooooore la montagne.<br /> <br /> Bonne journée Francis.
M
C'est congés annuels ici on dirait!<br /> <br /> Bonnes vacances ;) ;)
C
Bonjour Francis<br /> <br /> Un petit coucou de ma Neustrie natale.... Alors te serais-tu égaré dans les terres du milieu voir embourbé dans des marécages avec Poussachoche et Filpignon.... je te suppose en vacances aussi je te souhaite une belle évasion...<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Chronique
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"Mais en maniant la hache et le passe-partout, j'ai laissé vagabonder mon âme dans l'espace chaud et parfumé, et elle est revenue riche d'une récolte inestimable."
Henri VINCENOT
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  • Nez au vent, l'oreille en coin, les yeux curieux, en balade à vélo, à pied, ici et là. Mise en mots, illustrations : F6. Quelques emprunts autorisés, signalés par un lien vers leurs origines. On peut aussi emprunter, en demandant, c'est plus poli.
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